Souveraineté alimentaire : se nourrir d’illusions01/03/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/03/2848.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Souveraineté alimentaire : se nourrir d’illusions

Le nombre et la vivacité des gardes du corps entourant Macron au Salon de l’agriculture augmentent en proportion des difficultés des petits agriculteurs.

Cette année, outre les placages, bris de pancartes et expulsions minute, pour répondre aux angoisses et à la colère de ceux qui voulaient l’interpeler, Macron a eu recours à un nouveau mantra, la « souveraineté alimentaire ».

Le président avait déjà évoqué cette pensée très à la mode lors de ses vœux. Elle se résume dans les questions suivantes : pourquoi exporter du blé et importer des légumes, alors qu’on pourrait tout produire en France, pourquoi aller chercher à des centaines ou des milliers de kilomètres ce qu’on pourrait faire pousser dans la ferme d’à côté ?

Mais cette perspective, évoquée d’ailleurs à LFI comme au RN, n’a qu’un rapport très lointain avec la réalité. En France une partie croissante des terres agricoles est détenue par des entreprises capitalistes dont les actionnaires, connus ou inconnus, n’ont jamais vu une vache ou un tracteur et ne se préoccupent que de rentabilité immédiate. Elles choisissent leurs cultures en fonction des cours mondiaux et absolument pas des besoins alimentaires. La population qui entoure leurs exploitations ne les intéresse que comme réserve de main-d’œuvre, et encore. Elles lui fournissent, pour seules primes, des pesticides, des vapeurs d’engrais, des routes défoncées par les engins agricoles, des terres sans clôtures ni bosquets, des circuits d’arrosage automatique et des cours d’eau asséchés.

L’autre partie des surfaces agricoles se partage entre un nombre toujours plus réduit de petites et moyennes exploitations. Il en reste aujourd’hui 400 000, dont les trois quarts n’ont aucun salarié. Quant aux 780 000 salariés du secteur, dont de nombreux travailleurs précaires, ce sont des prolétaires comme les autres.

Ces petites exploitations, si modernes, mécanisées et informatisées qu’elles soient, sont les jouets du marché. Elles sont dépendantes de leurs fournisseurs, les quelques industriels qui produisent machines, intrants, médicaments, semences, etc., et de leurs clients, coopératives géantes, centrales d’achat et autres qui imposent leurs prix en fonction des cours mondiaux.

Ce sont ainsi de grandes sociétés capitalistes qui font la loi, dans l’agriculture comme dans le reste de l’économie. Agiter le hochet de la souveraineté économique n’est qu’un moyen pour tenter de le cacher.

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