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Dans le monde
Ukraine : les terres agricoles, enjeu de toutes les convoitises
Une information selon laquelle trois multinationales américaines auraient acquis 40 % des terres arables d’Ukraine en 2021 a été relayée, ces derniers mois, des millions de fois sur les réseaux sociaux de nombreux pays.
Il s’agissait pourtant d’une fausse information. Si elle a si bien circulé, c’est que cela semblait être le résultat d’un processus en cours : l’ouverture du marché foncier ukrainien, votée par le Parlement de Kiev en échange d’un prêt du FMI et entrée en vigueur en juillet 2021.
Malgré l’interdiction jusqu’alors de vendre des terres agricoles en Ukraine, les capitaux occidentaux y avaient en fait déjà pénétré massivement les secteurs les plus rentables de l’agriculture et de l’agroalimentaire.
Après la chute de l’URSS en 1991, les terres des kolkhozes, découpées en parcelles et lopins de taille variable, avaient été attribuées à des millions de particuliers et à des municipalités. Mais seules des exploitations collectives, transformées en coopératives ou en sociétés par actions à l’initiative des bureaucrates qui les dirigeaient du temps de l’URSS, avaient la capacité de développer la production de céréales ou d’oléagineux, destinée à l’exportation. Elles louaient donc, et louent encore jusqu’à ce jour, les terres à un tarif très bas à leurs petits propriétaires. Ces derniers, n’ayant pas les moyens de les mettre en valeur, étaient obligés de travailler sur ces exploitations pour des salaires tout aussi bas.
En quelques années, la concentration des exploitations s’accrut et l’emprise de ces sociétés sur la terre aussi. Entre les mains d’oligarques locaux, servis par les politiciens corrompus du gouvernement et du Parlement, le grenier à blé qu’est l’Ukraine s’ouvrit aux capitaux occidentaux, qui commencèrent par louer à grande échelle les très fertiles « terres noires ».
Un exemple connu est celui du financier français Charles Beigbeder qui, en 2007, fonda une société dans ce but, AgroGeneration. Fusionnant en 2013 avec un concurrent détenu par un fonds américain, elle devint l’une des plus grosses agro-holdings du pays, exploitant 120 000 hectares en location. Ce genre de holding est constituée d’une myriade d’entreprises gérant tous les maillons de la chaîne de la production agricole et agroalimentaire, des semailles jusqu’à l’exportation en passant par la gestion des silos, des moyens de transport, des terminaux portuaires, jusqu’à la transformation des produits pour l’alimentation.
La fin du moratoire sur la vente des terres devrait être suivie, en 2024, de la possibilité pour une personne ou une société d’acquérir jusqu’à 10 000 hectares de terres agricoles, si la guerre ne remet pas en cause le processus. Les entreprises qui louent et exploitent actuellement des terres disposeront d’un droit de préemption. Enfin, la loi interdisant à des étrangers d’acquérir eux-mêmes les terres, oligarques et bureaucrates ukrainiens espèrent préserver leur rôle très rémunérateur d’intermédiaires pour le compte du grand capital occidental.
La loi sur le foncier est donc un pas de plus dans la mainmise du capital, des grandes banques et des trusts mondiaux de l’agroalimentaire sur le grenier à blé ukrainien. C’est aussi l’un des volets de la rivalité croissante Occident-Russie qui a poussé celle-ci à intervenir en Ukraine, où son armée occupe désormais une partie des terres noires et compromet de ce fait les affaires de grands groupes occidentaux. Lesquels, bien sûr, soutiennent Zelensky et son armée, pour des raisons, promis-juré, de défense des valeurs démocratiques…