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Iran : la répression n’arrête pas la révolte
Le 19 novembre, les dirigeants de la République islamique d’Iran ont envoyé l’armée et les troupes des Pasdaran, avec des chars, des hélicoptères et des mitrailleuses lourdes, pour isoler et quadriller les villes de Mahabad, Javanroud, Sanandadj et d’autres villes du Kurdistan iranien.
Tirs à l’artillerie sur des barricades, tir à vue sur tous ceux qui circulent dans les rues, snipers sur les toits : l’armée s’est comportée au Kurdistan comme en territoire ennemi, tuant au moins 50 personnes en dix jours, sans éteindre la contestation.
La révolte touche toutes les villes du pays, sans caractère régionaliste ou ethnique. C’est le régime politique dirigé par les ayatollahs, ses lois, ses institutions, ses privilégiés et ses forces de répression, qui est contesté du nord au sud et de l’est à l’ouest. Pour autant, le Kurdistan est l’une des deux régions, avec le Baloutchistan, où la contestation est la plus forte. Elle mobilise toutes les générations et presque toutes les couches sociales. La grève générale y est plus suivie qu’ailleurs. Ce n’est pas seulement parce que Mahsa Amini, tuée le 15 septembre par la police des mœurs de Téhéran, était kurde. L’opposition au régime est, depuis sa naissance en 1979, plus forte et mieux organisée au Kurdistan que dans d’autres régions. Cela tient en partie à l’existence d’organisations politiques, parfois nationalistes kurdes, parfois se réclamant du socialisme ou du maoïsme, repliées dans l’Irak voisin ou en exil dans d’autres pays, et bénéficiant de forts relais au Kurdistan. Cela tient aussi à la discrimination régulièrement subie par cette région, à majorité sunnite, de la part du pouvoir encadré par le clergé chiite.
En déployant l’armée au Kurdistan, le régime cherche aussi à présenter la révolte politique et sociale comme un soulèvement régionaliste, pour tenter de la discréditer dans les autres régions. Les médias officiels ne cessent de présenter les manifestants du Kurdistan comme des séparatistes armés et des terroristes. Des bâtiments officiels ou les résidences de certains dignitaires du régime sont certes attaqués ou incendiés plus que dans d’autres régions, mais ce n’est pas une spécificité du Kurdistan.
La tactique des chefs du régime est criminelle à plus d’un titre. Elle porte en elle la menace de transformer la révolte actuelle en guerre civile, en combats fratricides entre milices armées, comme ceux qui ravagent la Syrie depuis 2011. Mais pour l’instant cette tactique fait long feu : les manifestants kurdes reçoivent des soutiens de tout le pays, où ils sont vus comme des héros.
Ailleurs dans le pays, la révolte ne faiblit pas. La jeunesse continue la grève des cours, dans les écoles comme dans les universités ; de nombreux commerçants baissent leur rideau en soutien. Dans plusieurs grandes entreprises, à Ispahan mais aussi à Téhéran, dans la métallurgie ou l’automobile, des travailleurs ont fait grève par milliers ces derniers jours. Ils ne contestent pas explicitement le régime et mettent en avant des revendications économiques, paiement des arriérés de salaire ou hausse insupportable des prix. Mais ces grèves sont encouragées par la contestation générale et la renforcent en retour. C’est de ce côté-là, celui d’une révolution sociale, qu’est l’espoir en Iran.