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Dans le monde
Turquie : Erdogan bombarde les Kurdes
Une semaine après l’attentat qui a fait six morts à Istanbul, Erdogan a lancé l’armée turque dans une série d’opérations militaires au nord de la Syrie.
Erdogan vise particulièrement les Kurdes, accusant le Parti des travailleurs du Kurdistan, le PKK, d’avoir commandité l’attentat. Il n’a aucune preuve. Les indices vont d’ailleurs dans un autre sens. Mais la vérité n’est pas le problème d’Erdogan. Il utilise les six morts de l’attentat aux fins qui lui conviennent, amorçant une escalade dont il espère profiter politiquement.
Dimanche 20 novembre, l’armée turque a ainsi bombardé le nord de la Syrie et de l’Irak, tuant une trentaine de personnes dans des régions sous contrôle kurde. L’armée a en particulier bombardé la ville syrienne de Kobané, au Rojava, contrôlée par les Kurdes de Syrie depuis 2012. C’est de cette ville que les combattants kurdes syriens des YPG (Unités de protection du peuple), proches du PKK, ont résisté à l’avancée de l’État islamique (EI) en 2014, comme ils ont su aussi résister à l’armée turque en 2018, quand les États-Unis les ont lâchés, après les avoir utilisés dans la lutte contre l’EI. Et le 21 novembre, après que des tirs en provenance de Syrie ont fait trois morts à la frontière turque, Erdogan a affirmé qu’il préparait une opération militaire terrestre pour envahir le nord de ce pays.
Dans son escalade militaire, Erdogan poursuit un double objectif : maintenir la pression sur les Kurdes, dont il ne tolère pas les aspirations indépendantistes, mais aussi se poser en chef de guerre et, à l’approche d’élections difficiles, détourner l’attention de la population turque des ravages de la crise économique qui sévit dans le pays.
La Turquie est en crise économique permanente. Depuis le 1er janvier, la livre turque a perdu plus de 28 % face au dollar. Elle avait déjà fondu de 44 % en 2021. L’inflation est à un niveau record depuis vingt-cinq ans, à plus de 85 % annuels selon les taux officiels. La classe ouvrière est particulièrement attaquée et s’appauvrit. Le kilo de poulet est passé de 7,2 livres en 2015 à 19 l’année dernière et 30 livres aujourd’hui. Les transports ont augmenté de 117 % en un an, les prix alimentaires ont doublé, de même que le logement. Si les plus pauvres s’appauvrissent, les plus riches continuent de s’enrichir, profitant d’une bulle financière bâtie sur de la dette, et qui menace d’exploser.
En jouant les va-t-en-guerre, Erdogan espère encore une fois intoxiquer la population de propagande guerrière et nationaliste et lui faire oublier la dégradation de ses conditions de vie. Cette vieille recette est de moins en moins efficace.