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- Lutte ouvrière n°2832
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Dans le monde
Égypte : Charm-el-Cheikh, l’envers du décor
À l’ombre des hôtels de luxe, non loin des eaux transparentes de la mer Rouge, le sommet feutré de la COP 27 veut faire oublier un régime dictatorial imposé à une population dont plus d’un tiers vit sous le seuil de pauvreté.
Du côté des invités officiels, la langue de bois est de rigueur quant aux actions entreprises face au réchauffement climatique. Mais du côté de la population égyptienne, les forces de répression veillent à ce qu’aucune voix discordante ne s’exprime.
Une surveillance accrue s’est abattue sur tous ceux que l’on soupçonne d’avoir fait circuler ou répondu à un bruit de manifestation « du 11 novembre », circulant depuis mi-octobre. Fouilles des téléphones, arrestations au domicile, disparitions forcées, détentions arbitraires se sont multipliées à l’approche du sommet. Dans ce pays de 109 millions d’habitants, le dictateur Abdel Fattah al-Sissi, qui s’est emparé de tous les pouvoirs à l’été 2013, maintient 60 000 détenus d’opinion derrière les barreaux. L’un des plus connus, Alaa Abdel Fattah, opposant à l’ancien dictateur Moubarak, puis au président Frère musulman Morsi et désormais à Sissi, y croupit depuis près de dix ans sans interruption. Il poursuit actuellement une grève de la faim. Mais bien d’autres se sont vu accuser, au moindre soupçon de contestation, de « propagation de fausses nouvelles » ou d’« appartenance à un groupe terroriste », ce qui suffit à se faire jeter en prison.
Toute manifestation a au demeurant été interdite. Des simulacres ont été autorisés sur le site internet de la présidence, à la condition d’avoir averti les autorités 36 heures à l’avance, uniquement entre 10 heures et 17 heures, à bonne distance du lieu de la conférence, et uniquement sur des sujets climatiques.
En effet, les sujets de mécontentement ne manquent pas. Outre la crise alimentaire dont les Egyptiens sont victimes, le pays étant dépendant à 85 % des importations de céréales d’Ukraine et de Russie, l’inflation ronge les salaires. Au point que Sissi, dans une intervention récente, a osé affirmer que, en dessous de 10 000 livres égyptiennes (LE) par mois, personne ne peut s’en sortir. Or le salaire moyen des travailleurs des entreprises d’État est de 2700 LE (110 euros), et vient d’être porté à 3 000 LE. Les chefs d’entreprises privées ont été officiellement encouragés à s’inspirer de cette mesure.
Des grèves ont en effet eu lieu au cours de l’année pour revendiquer le paiement de salaires en retard, ou des primes différées de longs mois alors qu’elles représentent une part importante de la paye. Les 500 millions de dollars avancés par la Banque mondiale n’ont manifestement pas servi à améliorer le sort de la population, dont 90 % vivent sur les 5 % de terres qui bordent le Nil. Quant aux richesses produites par la classe ouvrière dans les grandes usines de textile, de ciment, de sucre ainsi que dans les zones portuaires liées au canal de Suez, elles sont englouties, après avoir enrichi la bourgeoisie, les hautes sphères de l’armée et les capitalistes internationaux, dans les gigantesques travaux commandés par Sissi, telle la nouvelle métropole construite en plein désert.