États-Unis : un plan “anti-inflation”… et propatronal17/08/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/08/2820.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : un plan “anti-inflation”… et propatronal

Après moult tractations, le Sénat et la Chambre des représentants des États-Unis ont adopté un grand plan « contre l’inflation », en réalité centré sur le climat et la santé.

Le chef des démocrates au Sénat, Chuck Schumer, a présenté le plan comme « la loi pour le climat la plus importante qui ait jamais été adoptée par le Congrès ». Ce projet de 430 milliards de dollars (420 milliards d’euros) d’investissements sur dix ans, soit quelque 40 milliards de dollars par an, est à comparer aux 850 milliards de dollars consacrés chaque année à la Défense.

370 milliards de dollars sont prévus pour la lutte contre le changement climatique. Des crédits d’impôt aux véhicules électriques sont prévus. Mais même les modèles bas de gamme, à plus de 30 000 dollars, sont hors de portée de la plupart des travailleurs. En revanche, ces crédits bénéficieront aux firmes automobiles, tout comme une aide de trois milliards de dollars à la Poste, pour l’achat de fourgonnettes électriques, et deux milliards de subvention pour la modernisation de leurs usines. Les entreprises qui produisent des panneaux solaires, des éoliennes, des pompes à chaleur, des cuisinières à induction, des batteries, des énergies propres, vont aussi bénéficier de dizaines de milliards de crédits d’impôt. Les entreprises productrices de gaz et de pétrole vont récupérer des droits de forage sur des dizaines de millions d’hectares de terrains publics et dans le golfe du Mexique, au nom de l’indépendance énergétique nationale.

Le PDG d’Exxon Mobil a eu beau jeu de saluer le plan. Il y a de quoi : alors que les États-Unis sont encore ravagés par des mégafeux, la transition énergétique vantée par la loi sera payée surtout par les impôts des classes populaires, au bénéfice des grandes firmes.

Le plan prévoit aussi de limiter les prix de certains médicaments. Il faut dire que ceux-ci, dont l’insuline, onze fois plus chère qu’en France, qui permettent aux laboratoires pharmaceutiques de faire des profits records (+ 90 % en 2022), contribuent outre-Atlantique à une dégradation de la santé publique. Mais seuls dix médicaments sont concernés, uniquement pour l’assurance publique Medicare, et seulement à partir de 2026. Des mesures concernant les appareils auditifs ou les soins dentaires ont été rejetées par les sénateurs. Le plan ne s’attaque pas au fait que 70 millions de personnes sont privées d’assurance médicale ou mal assurées, ou encore que 60 000 personnes mourraient chaque année faute de pouvoir se payer un médecin.

Enfin, des mesures fiscales parmi lesquelles le taux minimum de 15 % sur les superprofits des plus grandes entreprises, une taxe de 1 % sur les rachats d’actions et une fiscalité accrue pour les plus riches, ont été adoptées. Il reste à voir comment elles seront mises en œuvre : les plus grandes firmes ont bénéficié de tels cadeaux fiscaux ces dernières années que, comme l’a souligné le sénateur de gauche Bernie Sanders, les capitalistes les plus fortunés sont imposés à un taux moindre que les infirmières, les enseignants ou les pompiers.

En réalité, ce plan que, lors de la campagne présidentielle de 2020, on a comparé au New Deal des années 1930, n’est adopté qu’au prix d’innombrables renoncements. L’adoption du projet était une urgence pour l’administration Biden, à trois mois des élections de mi-mandat où les démocrates redoutent de perdre leur majorité au Congrès. Quant à assurer la transition énergétique, l’accès aux soins pour tous et la lutte contre la baisse du niveau de vie, il faudra bien autre chose que cette loi si favorable aux intérêts patronaux.

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