Hôpital : victime chronique de la loi du profit27/07/20222022Journal/medias/journalarticle/images/2022/07/P9-1_Capitaliste_tueur_dhopitaux_OK_Lupo.jpg.420x236_q85_box-0%2C32%2C800%2C483_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Hôpital : victime chronique de la loi du profit

La crise du Covid avait montré l’incapacité totale du système de santé à faire face à une situation sanitaire grave, malgré les mensonges des gouvernants sur « notre pays qui a le meilleur système de santé au monde ». Mais aujourd’hui cette crise est devenue chronique.

Illustration - victime chronique  de la loi du profit

L’édifice craque de partout, encore plus cet été 2022 où des mesures scandaleuses ont été prises, comme la fermeture de services d’urgence ou l’obligation d’appeler au préalable le 15, chargé de faire le tri des malades !

Les hôpitaux voient une véritable hémorragie de leur personnel, médecins, infirmiers et autres paramédicaux, qui trouvent dans le privé des rémunérations plus élevées. Mais cela n’explique pas tout, comme le dit un médecin du centre hospitalier de La Rochelle. Pour lui, toute une série d’éléments compensaient cette différence des rémunérations, à savoir « le plateau technique, la recherche et l’enseignement, l’innovation, le travail en équipe… Mais tout cela s’est délité avec les restrictions budgétaires, les postes vacants et l’explosion du temps de travail et de la charge des soins. »

Les départs ne seront pas compensés par l’arrivée de jeunes médecins, la pénurie médicale dans le pays restant entière malgré la suppression du numerus clausus mis en place en 1971 et qui limitait leur nombre. Les déserts médicaux ne sont pas près de disparaître : dans un département comme le Loiret, près de 40 000 personnes n’auraient pas de médecin traitant et n’en trouveront pas, du fait des départs en retraite de médecins qui ne trouvent pas de remplaçants.

L’hémorragie concerne aussi bien sûr les infirmiers et les autres personnels, sages-femmes, kinésithérapeutes, etc. Leur faible rémunération les pousse à aller voir ailleurs – en ­intérim, ils sont payés le double et peuvent choisir leurs horaires de travail – et ce ne sont pas les 183 euros net du Ségur de la santé qui y ont changé quoi que ce soit, d’autant que tous les personnels paramédicaux ne les ont pas touchés ! Et, pour tous ceux qui restent quand même, la surcharge de travail devient vite insupportable et tourne presque à l’enfer, avec les heures supplémentaires, les vacances annulées, etc.

Au CHU d’Orléans, une infirmière témoigne que, le jour, elle doit s’occuper seule de dix patients, et la nuit de trente-trois. Alors, parler de travail d’équipe dans ces conditions n’a plus aucun sens. D’après un responsable syndical, il y aurait 60 000 postes d’infirmier vacants sur le pays, chiffre que Martin Hirsch, ancien directeur de l’Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), avait confirmé en mai 2022 en parlant de 1 400 infirmiers dans cette administration. Et la décision de l’ex-ministre de la Santé, Bourguignon, de permettre aux infirmiers de travailler dès l’obtention de leur diplôme cet été n’y changera rien.

Les malades subissent les conséquences de cette dégradation. Il y a moins de soignants et aussi moins de lits, la fermeture de ceux-ci n’ayant connu aucune pause même en période ­Covid avec près de 5 000 lits fermés en 2021. Alors, comment s’étonner des images indignes de patients passant des nuits dans des couloirs sur des brancards, et d’ambulances faisant la queue devant les Urgences ? En été, c’est encore pire. Au CHU de Rennes, 23 % des lits sont fermés cet été, deux fois plus que l’an dernier. À Orléans, plus de 160 lits ont fermé sur 997, dans un établissement flambant neuf.

Alors, on ne peut que comprendre quand une chef de service du CHU d’Orléans dit : « Tout s’est étiolé. Aujourd’hui on a le sentiment que le bateau coule, que la brèche a été ouverte. » Mais si c’est un naufrage, c’est aussi le résultat d’une politique consciente de financiarisation des hôpitaux publics, où les critères de rentabilité prennent complètement le pas sur les besoins des malades et du personnel. En parallèle, un secteur privé très lucratif ne cesse de se développer, s’engouffrant dans tous les domaines où la médecine de ville et hospitalière est à bout de souffle. Ce sont les cabinets de radiologie qui, moyennant dépassements d’honoraires, font sept jours sur sept les IRM et autres scanners, quand ailleurs les rendez-vous pour ceux-ci sont à plusieurs semaines ou mois. Ce sont les centres d’ophtalmologie et dentaires privés qui répondent à l’absence de possibilités en ville ou à l’hôpital. C’est la mise en coupe réglée des services pour les seniors, « l’or gris » des Ehpad et leurs scandales sans cesse dénoncés. Le capitalisme et la recherche du profit maximal font des ravages, dans le domaine de la santé comme dans tout le reste de la société.

Partager