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Leur société
Électricité : le marché sent le gaz
Macron a annoncé sa volonté de réviser le marché européen de l’électricité s’offusquant que « le prix de l’électricité soit indexé sur celui du gaz ». Les règles établies par l’UE après de longues tractations sont remises en cause par le prix et l’accès au gaz.
L’immense majorité de l’électricité consommée dans les pays européens est produite localement, dans des centrales électriques de types très variés, hydraulique, nucléaire, thermique à gaz ou à charbon, éolien, etc. Selon les aléas climatiques, la maintenance des centrales, les périodes de la journée ou de l’année, la demande en courant électrique comme les capacités de production varient fortement. Certains pays sont alors contraints d’importer du courant, quand d’autres peuvent en exporter. L’interconnexion des différents réseaux électriques permet d’éviter des coupures brutales.
Tout cela obéit à une nécessité, ne serait-ce que technique. Mais ces échanges restent dans le cadre du marché capitaliste. Depuis plus de vingt ans, la production et la distribution du courant ont été séparées, ouvertes à la concurrence. Des entreprises publiques ont été privatisées. Des multinationales du pétrole ou du gaz se sont mises à vendre de l’électricité. Des entreprises sont apparues, dans l’éolien ou le solaire, assez vite rachetées par les géants de l’énergie. Certains fournisseurs ne produisent rien : ils achètent des MegaWattheure (MWh) sur le marché pour les revendre à leurs clients. En France, divers mécanismes, subventions publiques ou quota d’électricité vendue à bas prix par EDF, leur permettent de prospérer.
Le but de tous ces « producteurs » n’est pas de fournir de l’électricité dans les meilleures conditions, environnementales ou économiques, mais de réaliser des profits. Selon la nature des centrales, leur vétusté, le prix du combustible, le coût de production réel varie d’un producteur à l’autre. Les coûts et les contraintes en France, où 75 % du courant est d’origine nucléaire, ne sont pas les mêmes qu’en Allemagne, où l’électricité est davantage produite à partir du charbon et du gaz. Le système qui fixe le prix de vente sur le marché européen a été négocié, bien avant la crise actuelle, par les ministres de chaque pays pour tenir compte des intérêts de leurs énergéticiens et de leurs industriels gros consommateurs de courant. Le prix du MWh vendu sur le marché européen est déconnecté du coût réel de production du vendeur mais aligné sur celui des centrales les moins performantes, mises en service lors des pics, le plus souvent des centrales à gaz ou à charbon. À cela s’ajoute la spéculation.
Les principaux capitalistes français se sont longtemps satisfaits de ce système, en particulier parce que EDF était exportatrice. L’augmentation des besoins en électricité avec la transition énergétique, les déboires des centrales nucléaires et surtout l’envolée du prix du gaz, aggravée par la guerre en Ukraine, changent la donne. Le prix du MWh sur le marché dépasse parfois les 3 000 euros quand le prix moyen de production est d’une centaine d’euros ! C’est pourquoi les dirigeants européens, de Macron à von der Leyen, affirment depuis des mois vouloir modifier le mode de calcul. Sauf qu’il y a des milliards d’euros en jeu et qu’un nouveau système fera autant de perdants que de gagnants parmi les capitalistes européens.
Ce qui est sûr, quel que soit le résultat du bras de fer musclé qui se profile entre les géants de l’énergie et leurs serviteurs politiques, c’est que les consommateurs des classes populaires, dans tous les pays de l’UE, paieront plus cher leur électricité.