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Leur société
Le Drian : canonisé par les marchands d’armes
Après dix ans comme ministre de la Défense sous François Hollande, puis des Affaires étrangères sous Emmanuel Macron, Jean-Yves Le Drian ne fait pas partie du nouveau gouvernement.
Il a bien rempli la fonction de défenseur de l’impérialisme français, notamment en Afrique, dévolue à ceux qui occupent ces postes, et aussi celle, parallèle, de représentant de commerce en armement.
En Afrique, Le Drian restera un symbole des interventions militaires françaises, et surtout de leur débandade. Lorsque François Hollande a déclenché l’intervention au Mali en janvier 2013, Le Drian se faisait fort d’éradiquer rapidement les groupes djihadistes. Neuf ans après, ces bandes armées sont plus fortes que jamais. Elles ont essaimé dans tout le pays, puis au-delà de ses frontières, au Burkina, au Niger, et menacent la Côte d’Ivoire ou le Sénégal. L’armée française n’a pas protégé les habitants, dont des millions ont dû quitter leurs villages. La population, exaspérée par le soutien de l’impérialisme français à des régimes corrompus, est passée de la satisfaction exprimée en 2013 à la franche hostilité envers les militaires français, un sentiment sur lequel a pu s’appuyer la junte militaire aujourd’hui au pouvoir. Finalement, l’armée française doit aujourd’hui plier bagage.
En Centrafrique, fief de l’impérialisme français depuis l’époque coloniale, les choses ont été encore plus rapides : une intervention militaire a eu lieu en décembre 2013, prétendument pour éviter un génocide, suivie de la désintégration du pays tombé aux mains de bandes armées rivales, et finalement du départ des troupes françaises en octobre 2016. Le gouvernement centrafricain actuel, comme celui du Mali, fait aujourd’hui appel aux mercenaires du groupe russe Wagner pour assurer sa protection.
Les interventions militaires françaises sous Le Drian ne se sont pas limitées à l’Afrique. Il a soutenu et armé discrètement le maréchal Haftar en Libye, envoyé des troupes en Syrie, où les canons Caesar ont bombardé les villes tenues par l’État islamique et leur population, et arment aujourd’hui l’armée ukrainienne. Car Le Drian a bien été le meilleur démarcheur des marchands de canons français tout au long de ses passages aux deux ministères. Il aura été de tous les voyages promettant des signatures de contrats, en Égypte, en Arabie saoudite, aux Émirats, n’hésitant pas à pourvoir en armes les pires dictateurs. Après avoir déjà quintuplé les contrats à l’exportation lors de son passage au ministère de la Défense, il dépasse maintenant ce record en tant que ministre des Affaires étrangères, en tandem avec la ministre des Armées Florence Parly. Au passage il n’oublie pas la famille : l’entreprise de son fils Thomas a décroché en 2015 un marché pour la fabrication de passeports au Mali, affaire pour laquelle la justice de ce pays le soupçonne d’avoir donné un coup de pouce en intervenant auprès du président de l’époque, Ibrahim Boubacar Keïta, et le convoque aujourd’hui.
Les marchands d’armes vont sans doute regretter Le Drian, mais trouveront sans doute de quoi se consoler avec ses successeurs aux ministères des Armées et des Affaires étrangères. Les ministres passent, la politique de l’impérialisme français reste, comme les affaires qui vont avec.