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Dans le monde
CMA-CGM : armateurs et étrangleurs
Le 4 mars, la CMA-CGM, armateur marseillais et troisième groupe mondial pour les conteneurs, a publié ses résultats. La société multiplie son bénéfice par dix, à près de 18 milliards de dollars, suivant de près Total, champion français pourtant trois fois plus gros en termes de chiffre d’affaires.
Les autres grands armateurs, concurrents et complices de la CMA-CGM dans le petit groupe de ceux qui contrôlent 80 % du commerce maritime mondial, ont annoncé des résultats tout aussi mirobolants. Il n’y a pourtant eu l’an passé ni sensationnelle innovation technique ni explosion du trafic, qui n’a augmenté que 5 % par rapport à 2020. Au contraire, le transport maritime s’est illustré par de multiples dysfonctionnements.
Le transport maritime mondial, c’est-à-dire 90 % du transport de marchandises, fonctionne à flux tendu et avec le minimum d’investissements en temps normal. Il a en fait été incapable d’absorber le retour à l’activité et la hausse de la demande consécutive à la fin de la pandémie. La taille des bateaux ayant augmenté plus rapidement que la profondeur des ports, la longueur des quais et la hauteur des grues, des centaines de porte-conteneurs géants ont attendu, parfois des semaines, devant les seuls ports capables de les accueillir. Une fois les conteneurs débarqués, il n’y avait ni assez de trains, ni assez de camions, ni assez de routes, ni même parfois assez de bras pour leur faire quitter les aires de stockage. Ensuite, les conteneurs vides se sont accumulés par centaines de milliers, à Chicago, à Rotterdam où ailleurs, car les armateurs préféraient faire repartir les navires sans cargaison que d’attendre le retour des boîtes vides. Il en est résulté une pénurie de conteneurs dans les ports de départ, en Asie.
L’économie mondiale a donc connu de multiples désorganisations et pénuries, car les pièces détachées et les produits semi-finis nécessaires à la production d’une usine donnée peuvent venir du monde entier et faire parfois plusieurs voyages. La production automobile a ainsi manqué de semi-conducteurs, le bâtiment n’avait pas assez de matériaux, le commerce attendait des cartons, la presse voulait du papier, etc. Tout cela a évidemment entraîné des hausses de prix, mais aucune n’a été aussi élevée que celle imposée par les armateurs. Le prix de transport d’un conteneur entre la Chine et les États-Unis est passé par exemple de 2 000 à 20 000 dollars et, pour les autres capitalistes, il a bien fallu en passer par là où les armateurs voulaient ! C’est ainsi qu’ont été obtenus les bénéfices des trois sœurs du conteneur, MSC, Maersk et la CMA-CGM, et de quelques autres. Le patron de Maersk a pu dire que ses bénéfices sont « le résultat d’une situation exceptionnelle causée par des difficultés sur la chaîne logistique ».
La division mondiale du travail et la concentration du capital ont fait qu’une poignée d’armateurs géants ont la main, ou plutôt le couteau, sur l’aorte de l’économie mondiale. Ils se servent de leur position pour extorquer un surprofit phénoménal, c’est-à-dire pour augmenter la part qu’ils prélèvent sur le travail du prolétariat mondial. Et pourquoi devraient-ils se préoccuper du fonctionnement général de l’économie, des torts qu’ils causent aux autres capitalistes voire même du sort de la population travailleuse qui, en définitive, paiera la note ?