Mali : dehors les troupes françaises !02/02/20222022Journal/medias/journalnumero/images/2022/02/2792.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Mali : dehors les troupes françaises !

Les dirigeants maliens ont annoncé lundi 31 janvier qu’ils laissaient trois jours à l’ambassadeur de France pour quitter le pays. Cette expulsion en bonne et due forme consacre l’échec de la politique française visant, à coup de menaces et de sanctions, à obliger la junte militaire menée par le colonel Assimi Goïta qui a pris le pouvoir à Bamako en mai dernier à obéir aux volontés de Paris.

En renvoyant l’ambassadeur, le gouvernement malien entend répondre aux propos du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui a accusé la junte « d’être illégitime et de prendre des mesures irresponsables ». Les mesures incriminées reviennent simplement à ne plus laisser libre champ à l’armée française pour agir au Mali comme en territoire conquis. Elles consistent à demander la révision des accords de défense liant les deux pays, à interdire à certains avions militaires le survol du Mali et à refuser l’arrivée d’un contingent de forces spéciales danoises. Le Drian pointe aussi l’arrivée des mercenaires de la société russe Wagner, redoutant l’irruption dans les chasses gardées de l’impérialisme français de nouveaux acteurs, comme ce fut le cas en Centrafrique.

Cette expulsion est l’aboutissement d’un processus enclenché dès le lendemain du coup d’État du 28 mai dernier qui avait porté au pouvoir l’actuelle junte militaire. Emmanuel Macron avait alors annoncé son intention de retirer du Mali la moitié du contingent militaire de la force Barkhane et d’y fermer les bases de Tombouctou, Kidal et Tessalit. Il espérait ainsi montrer aux nouveaux dirigeants à quel point ils dépendaient du bon vouloir de l’impérialisme français, mais cela a eu l’effet inverse. Le 21 décembre, le Premier ministre Chogel Maïga dénonçait à la tribune de l’ONU « l’abandon en plein vol » de la France et affirmait « le droit du Mali à chercher d’autres partenaires pour assurer sa sécurité ».

Pour accroître la pression, le gouvernement français a eu alors recours à ses amis africains de la Cedeao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest). Leur l’assemblée a pris le 9 janvier des sanctions dont le but évident était d’étrangler la population malienne pour l’inciter à se retourner contre son gouvernement. Les frontières terrestres et aériennes du pays ont été fermées, rendant notamment impossible le transport de marchandises venant des ports de Dakar au Sénégal et d’Abidjan en Côte d’Ivoire. Même les transports de médicaments, théoriquement non concernés, sont bloqués. Les nombreux maliens travaillant dans les pays de la Cedeao ne peuvent plus envoyer d’argent à leur famille.

Mais là encore, ces mesures odieuses prises à l’instigation du gouvernement français ont eu l’effet inverse de celui escompté. Vendredi 14 janvier, des milliers de personnes ont manifesté un peu partout au Mali pour soutenir Assimi Goïta. Les mesures de rétorsion prises par le gouvernement français et la Cedeao ne font que renforcer la junte. Elles soudent la population pauvre derrière des militaires qui en fait sont eux aussi ses ennemis mortels.

Les interventions militaires françaises au Sahel, officiellement justifiées par la nécessité d’enrayer la menace djihadiste, ont toujours eu pour seul but de défendre les intérêts de l’impérialisme français. Aujourd’hui, une partie de plus en plus large de la population africaine rejette cette mainmise de la France sur ses anciennes colonies. Les réactions populaires aux sanctions prises contre le Mali ont suscité de la sympathie dans bien d’autres pays. Au Burkina voisin, les militaires qui viennent de prendre le pouvoir ont surfé sur le sentiment de refus de la présence militaire française déjà exprimé avec force lors du blocage de convois militaires.

L’impérialisme français n’a rien à faire en Afrique : il doit en évacuer ses troupes, comme le demandent les populations locales et comme les travailleurs en France doivent l’exiger avec elles.

Daniel Mescla

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