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- Lutte ouvrière n°2792
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Editorial
Les Ehpad, miroir d’une société malade du profit !
Le scandale Orpea, ce groupe privé gestionnaire d’Ehpad, illustre comment la recherche du profit gangrène toute la société.
Personnes âgées laissées sans soin, mal nourries, rationnées en protections ; aides-soignants en sous-effectif permanent, en intérim ou en CDD avec des salaires inférieurs à 1 400 euros ; surfacturation des produits d’hygiène ou des matériels médicaux payés par l’Assurance maladie et les conseils départementaux. Ce qui se passe dans des Ehpad privés haut de gamme, où la moindre chambre coûte 6 500 euros par mois, donne une idée de la façon dont la société traite les retraités des classes populaires.
Devant l’émotion, campagne présidentielle oblige, tous les candidats y sont allés de leur indignation. Le gouvernement a annoncé une enquête et convoqué la direction du groupe. Comme si le scandale des Ehpad était nouveau !
Les travailleurs des Ehpad, en première ligne tout au long de l’épidémie, dénoncent depuis des années la maltraitance imposée aux résidents. Ils ont multiplié les grèves pour obtenir des conditions de travail dignes, réclamer des embauches et des augmentations de salaires.
Profitant du vieillissement de la population et du nombre très insuffisant de maisons de retraite publiques, les capitaux privés se sont engouffrés dans le secteur des Ehpad, avec le soutien des gouvernements successifs. Pour les capitalistes, le corps des retraités est une marchandise comme une autre. Ils la nomment « l’or gris ». Ce qui a été naturel dans les sociétés humaines, prendre en charge collectivement les anciens, est devenu source de profit.
Orpea, Korian, DomusVi, quelques grands groupes cotés en Bourse, se partagent 20 % du marché. Le secteur est si rentable qu’Orpea a versé à ses actionnaires des dividendes de 12 ou 13 %. On trouve parmi eux la société financière de la famille Peugeot. La famille Mulliez fait aussi dans les Ehpad. Pour la bourgeoisie, l’automobile, la distribution ou la dépendance ne sont que des supports interchangeables pour placer leurs capitaux pléthoriques.
Pour développer leurs affaires, ces groupes privés ont trouvé le soutien de l’État. Entre 2002 et 2012, période où la construction d’Ehpad et de cliniques privées a explosé, le groupe Orpea a bénéficié du soutien sans faille de Xavier Bertrand, alors ministre de la Santé, pour obtenir crédits et autorisations d’ouverture.
Quelle que soit l’écurie politique au pouvoir, toutes les institutions, tous les ministères, sont conçus pour aider les bourgeois à faire des affaires. Dès 2014, Claude Evin, directeur de l’agence régionale de santé francilienne, avait dénoncé les rétrocommissions pratiquées par le groupe Korian au détriment de l’ARS. Aucun ministre dédié aux personnes âgées, ni sous Hollande ni sous Macron, n’a bougé le petit doigt.
Les mieux placés pour rendre publics les malversations financières et les scandales multiples, dans les Ehpad comme ailleurs, ce sont les travailleurs, des aides-soignantes aux comptables en passant par les magasiniers. Aujourd’hui, ceux qui osent dénoncer combines et dysfonctionnements sont traqués et licenciés, y compris les militants syndicaux, et tous les témoins demandent l’anonymat. Eh bien, il faut imposer la suppression du secret commercial et des affaires, le contrôle par ceux d’en bas !
Pour s’occuper dignement des anciens, il faut embaucher massivement dans les Ehpad, publics ou privés, comme dans les hôpitaux. Les travailleurs des Ehpad, dont beaucoup sont issus de l’immigration et que Zemmour ou Le Pen stigmatisent, sont indispensables. Quand ils revendiquent des embauches, ils se battent pour l’intérêt des résidents, des familles et donc pour l’intérêt général. Dans cette société, ce sont les travailleurs qui ont le plus grand sens des responsabilités. Ils doivent la diriger.
Personne ne peut vivre avec 1 400 euros par mois alors que les prix flambent. Dans les Ehpad comme ailleurs, il faut imposer des augmentations de salaires de 300, 400, 500 euros pour rattraper le pouvoir d’achat perdu. Pas un salaire, pas une pension ne doivent être inférieurs à 2 000 euros net par mois. Face au retour durable de l’inflation, la seule protection, c’est l’indexation des salaires et des pensions sur les prix.
Aucune de ces mesures ne tombera du ciel. Elles devront être imposées par nos mobilisations. C’est le programme de combat que je défends dans cette élection présidentielle.
Bulletins d’entreprise du 31 janvier 2022