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- Lutte ouvrière n°2779
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Leur société
Nos lecteurs écrivent : La "reprise" vue de chez Valeo
Je travaille chez Valeo, un équipementier de l’automobile, sur un site du nord de la France qui produit des alternateurs classiques et aussi la nouvelle génération d’alterno-démarreurs, pour des véhicules de toutes marques françaises et étrangères. Et je voudrais raconter ce que sont les conséquences de la crise actuelle sur l’entreprise où je travaille.
Avec la pénurie mondiale de semi-conducteurs, la production s’est effondrée. Il y a un an, le site produisait chaque mois de 700 000 à presque un million de pièces, et aujourd’hui c’est presque deux fois moins. Les premiers touchés ont été les intérimaires. Sur les 400 présents il y a un an, il en reste dix. Puis des équipes du week-end ont été supprimées. Les arrivages de composants se font au compte-gouttes et cela rythme la production, qui varie de jour en jour. En ce moment, les ateliers chôment en moyenne trois jours par semaine. Et, d’après ceux qui sont au contact des fournisseurs, les mêmes problèmes de pénurie vont continuer l’an prochain.
Le chaos provient aussi du fait que les constructeurs automobiles non seulement ont diminué leurs commandes, mais aussi les révisent à la baisse en permanence. Début octobre, ils ont commandé 586 000 pièces mais, le 12 du mois, les commandes avaient déjà baissé de 100 000.
Valeo contribue de son côté à créer le bazar du côté de ses fournisseurs qui lui livrent le cuivre, l’acier, le plastique, et auprès de qui il répercute ses baisses de production. Par exemple, un fournisseur s’est retrouvé avec sur les bras des tonnes de cuivre que Valeo ne lui a finalement pas achetées. Il faut aussi ajouter les problèmes créés par les délais de livraison liés aux problèmes du transport maritime international, car certains fournisseurs sont en Chine. C’est le cas pour le plastique. Au niveau du site, il y aurait encore pour quatre semaines de stock, mais le fournisseur habituel ne pourra pas fournir avant février 2022.
La pénurie de stocks touche aussi des petites choses, du fait des économies sur tout. Comme il manquait des écrous, Valeo a contraint un sous-traitant à faire tourner son usine le week-end pour pouvoir faire tourner ses propres lignes le lundi, car il fallait absolument produire des alternateurs pour BMW.
Enfin, l’évolution vers les véhicules électriques inquiète ceux qui travaillent dans les bureaux d’étude, parce que cela signifie la fin des projets sur les alterno-démarreurs. Un responsable de Renault est venu voir si l’usine pouvait faire l’affaire et peut produire des moteurs électriques. La direction de Valeo jongle entre la tentative de rassurer et l’incertitude sur l’avenir du site. On sait bien que ce sont les travailleurs qui vont payer.
C’est là la réalité de la « reprise économique » dont on entend parler dans les médias.