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Dans le monde
Commerce international : la gabegie capitaliste
Des dizaines de porte-conteneurs géants sont à l’ancre devant les ports de Long Beach et Los Angeles, sur la côte ouest des États-Unis, en attente de déchargement, car il n’y a plus de places à quai. De l’autre côté de l’océan Pacifique, des dizaines d’autres navires attendent leurs cargaisons devant les ports d’Asie.
En Europe, le port de Felixstowe, qui reçoit un tiers des conteneurs à destination de la Grande-Bretagne, est de même complètement engorgé. Rotterdam, Hambourg et Anvers sont en voie de l’être. La congestion gagne la terre ferme et les conteneurs s’amoncellent, pleins ou vides, sur les plates-formes logistiques, alors que les entreprises et les consommateurs attendent.
Les gouvernements et les commentateurs mettent cette crise au compte de la Covid d’abord, du manque de main-d’œuvre ensuite. Le président américain, Biden, vient donc d’autoriser les patrons des ports, des docks et des transports à allonger la journée de travail, poussant à faire tourner les installations 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Si cela épuisera un peu plus les travailleurs des ports et augmentera encore les profits de leurs employeurs, cela ne résoudra rien. La série épidémie-arrêt-reprise du commerce mondial-engorgement révèle un problème de fond.
Le développement de la production des biens de consommation dans les usines d’Asie a augmenté considérablement le trafic maritime mondial. La concentration capitaliste laisse aujourd’hui ce marché aux mains de trois énormes groupes, qui de plus s’entendent comme larrons en foire. La course à la rentabilité pousse à la construction de navires de plus en plus gros et les compagnies exigent que les États construisent les ports équipés pour les recevoir. Mais, si quelques ports offrent des bassins à la bonne profondeur, les États rechignent à payer les voies de chemin de fer, les canaux, les autoroutes permettant d’évacuer les marchandises. Les patrons du Havre s’en plaignent tout autant que ceux de Long Beach, à leur échelle naturellement.
Les bateaux qui affluent vers les États-Unis ou l’Europe n’ont donc qu’un très petit nombre de ports à leur disposition, deux sur la côte ouest américaine par exemple. De la même façon, l’énorme quantité de marchandises produites en Chine en sort par un petit nombre de ports géants. Au départ comme à l’arrivée, les à-coups consécutifs à l’épidémie ont rapidement, et pour longtemps, ralenti la circulation des marchandises.
La concurrence aggrave les choses, dans une course qui ignore l’intérêt général, même celui du fonctionnement de l’économie capitaliste. La puissance même des grands trusts devient un élément de désorganisation, puisqu’ils écrasent tout sur leur passage, comme l’ont fait les grandes compagnies maritimes qui, non contentes d’être à l’origine des embouteillages actuels, sont parvenues à en devenir les principales bénéficiaires. Leur course au gigantisme a créé des goulets qui étranglent la navigation aussi sûrement qu’un de leurs monstres avait bloqué le canal de Suez. Ce sont aussi elles qui, après avoir désarmé des dizaines de navires pendant la pandémie, se sont entendues pour restreindre l’offre lors de la reprise, faisant monter les prix et occasionnant les premiers amoncellements de conteneurs sans embarquement et donc les premiers blocages. Ce sont elles, enfin, qui profitent de la désorganisation actuelle pour faire monter les prix, déséquilibrent toujours plus le marché et créent les pénuries. Alors même que le retard moyen d’un conteneur sur la route Asie-Amérique est de dix-huit jours, son prix de transport a été multiplié par cinq ou dix.
Les sept plus grandes compagnies maritimes, membres de trois alliances, ont pu faire dans ce contexte 27 milliards de dollars de profits sur les six premiers mois de l’année. Pour elles, seul cela compte.