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Afghanistan : le retour des talibans après vingt années de guerre impérialiste
« Avec nos partenaires et alliés, nous continuerons à utiliser tous les leviers humanitaires et diplomatiques pour sauvegarder les droits humains et protéger les acquis des deux dernières décennies » en Afghanistan, a déclaré le Premier ministre britannique, Boris Johnson, à l’occasion de la réunion des pays du G7 qui devait se tenir le 24 août.
Depuis la victoire des talibans, de telles déclarations émanant des dirigeants des pays impérialistes, de Biden à Macron, n’ont pas manqué. Toutes ces « dernières décennies » montrent au contraire que les dirigeants impérialistes n’ont abouti qu’à renforcer les forces les plus réactionnaires.
Dès 1979, alors que l’URSS se préparait à intervenir militairement dans ce pays alors dans son orbite, les États-Unis agirent en sous-main afin d’affaiblir l’URSS. Ils soutinrent des moudjahidines, des seigneurs de guerre s’appuyant sur leur ethnie, voire leur tribu, et combattant au nom de l’islam. La CIA a agi conjointement avec le Pakistan et l’Arabie saoudite pour renverser le gouvernement afghan soutenu par l’URSS, l’État américain a financé les camps d’entraînement et l’armement de ces guérillas. Zbigniew Brzezinski, qui fut conseiller de l’ancien président américain Carter pour les affaires de sécurité, et nommé par Obama conseiller aux affaires étrangères lors de sa campagne présidentielle, justifiait ainsi cette politique en 1998 : « Qu’est-ce qui est le plus important au regard de l’histoire du monde ? Les talibans ou la chute de l’empire soviétique ? Quelques excités islamistes ou la libération de l’Europe centrale et la fin de la guerre froide ? »
Début 1989, les troupes soviétiques se retirèrent définitivement d’Afghanistan, mais le pays resta la proie des affrontements entre les différentes bandes armées qui avaient combattu l’armée russe et aspiraient désormais au pouvoir. Les années de guerre civile qui suivirent le retrait de l’URSS aboutirent en 1996 à l’arrivée au pouvoir des talibans, à la grande satisfaction de l’impérialisme américain qui y avait œuvré. Peu importait que les talibans imposent un régime de terreur au peuple afghan.
Mais les forces entretenues par l’impérialisme se retournèrent contre leurs anciens maîtres. Après les attentats du 11 septembre 2001, Bush déclencha la guerre contre les alliés de la veille, accusés d’avoir protégé un certain Oussama Ben Laden, fondateur d’Al Qaida, devenu l’ennemi à abattre après avoir été un de leurs protégés. Une pluie de bombes s’abattit sur le peuple afghan, lancées par toutes les armées impérialistes, dont la France. Le pouvoir des talibans s’écroula. Mais le pouvoir fantoche mis en place par les États-Unis n’apporta ni la paix ni la démocratie
La brutalité des interventions impérialistes eut en effet le résultat habituel, accroissant la colère et la haine des populations afghanes contre les forces d’occupation américaines et de l’Otan, fournissant un réservoir grandissant de recrues pour les talibans. Le gouvernement afghan, choisi par les dirigeants impérialistes, s’avéra rapidement extrêmement corrompu. De plus, il s’appuyait sur des seigneurs de guerre qui s’étaient taillé de véritables fiefs privés et, comme les talibans dans leurs zones, y imposaient la charia. Si la situation des femmes s’améliora un peu sous l’occupation américaine, cela concerna surtout les citadines. La misère, quant à elle, ne fit que s’accroître, accompagnée de bombardements, de ratissages, de tortures systématiques et d’attentats.
L’insurrection des talibans, armés principalement par le Pakistan allié des États-Unis, ne cessa de progresser, malgré les milliards de dollars dépensés et les dizaines de milliers de soldats mobilisés par l’impérialisme. La victoire des talibans le 15 août n’a pu surprende personne.
Cela fait des mois que les États-Unis s’y préparent. Ils ont organisé des réunions prétendument de paix entre le gouvernement afghan et les talibans, mais surtout discuté avec ces derniers, qui finalement se sont imposés sur le terrain. Le représentant spécial des États-Unis pour la réconciliation en Afghanistan, l’ambassadeur Zalmay Khalilzad, s’est démené pour arranger diverses réunions entre des délégations de talibans et des dirigeants des pays limitrophes pour un redémarrage des affaires, comme en février dernier, où une délégation talibane s’est rendue à Achgabat, au Turkménistan, où il a promis son soutien à la construction d’un gazoduc à travers l’Afghanistan.
Que les talibans se revendiquent du fondamentalisme religieux et imposent une dictature sur la population importe peu aux dirigeants occidentaux, du moment qu’ils assurent une certaine stabilité politique. Des centaines de milliards de dollars engloutis, un pays dévasté et, plus de vingt ans après, le retour du régime moyenâgeux des talibans, voilà le bilan catastrophique de la domination impérialiste.