Union européenne-Mauritanie : les requins aiment la sardine18/08/20212021Journal/medias/journalnumero/images/2021/08/2768.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Union européenne-Mauritanie : les requins aiment la sardine

Le 28 juillet l’Union européenne et la Mauritanie ont renouvelé pour cinq ans l’accord permettant aux bateaux-usines des pays capitalistes du Nord de venir travailler sur les bancs poissonneux de l’Ouest africain.

La négociation est présentée par les signataires européens sous les aspects les plus vertueux, promettant tout à la fois de protéger la ressource en poisson, les intérêts des artisans pêcheurs mauritaniens, ceux de la population locale en général et même de doter cet État, un des plus pauvres du monde, des moyens propres à contrôler lui-même qui pêche quoi dans ses eaux territoriales. La réalité est évidemment beaucoup moins reluisante.

Il s’agit tout d’abord d’une excellente affaire pour les industriels de la grande pêche. L’UE versera 57,5 millions d’euros par an à la Mauritanie, plus une subvention de 16,5 millions destinée à l’aider à améliorer ses méthodes de pêche. Les bateaux européens doivent, c’est bien le moins, payer des licences pour opérer dans les eaux mauritaniennes. Il est prévu qu’ils y raflent près de 300 000 tonnes de poissons par an, dont 20 000 tonnes de thon. Aujourd’hui le thon blanc se négocie autour de 7 euros le kilo à Rungis, soit 140 millions d’euros pour la capture annuelle mauritanienne. Autrement dit, la seule pêche au thon, moins d’un dixième du total, couvre, et au-delà, les contributions versées à la Mauritanie.

Ce pays n’est pas en position de négocier. La pêche industrielle, 90 % des captures dans la zone, représente 20 % des ressources de l’État. Elle est complètement dominée par les groupes capitalistes des pays riches qui utilisent tous les moyens pour accéder à la ressource. Il y a quelques années, la Namibie, pays comparable à la Mauritanie – grande pauvreté, population peu nombreuse, plateau continental riche en poissons très peu exploités localement – avait voulu réserver la pêche à des entreprises locales. En 2019, en annexe aux révélations de Wikileaks, la presse découvrait qu’une des premières compagnies de pêche au monde avait versé des millions de dollars de pots-de-vin à divers ministres pour mettre ses bateaux sous pavillon namibien. Le jeu devait en valoir la chandelle.

Au pillage pur et simple s’ajoute l’absurdité criante. Une partie de cette pêche est transformée en farine de poisson destinée à nourrir les saumons d’élevage ou les poulets en batterie. Les ONG estiment que 500 000 tonnes de poissons, des sardines entre autres, sont ainsi prélevées chaque année sur les côtes d’Afrique de l’Ouest pour cette pêche dite minotière. Des poissons frais propres à la consommation humaine sont donc transformés en produits de la grande industrie de piètre qualité nutritionnelle.

Enfin, comme on peut s’y attendre, aussi bien les pêcheurs locaux que des ONG dénoncent un dangereux pillage de la ressource, menaçant certaines espèces. C’est évidemment le cas dans toutes les mers du globe. Mais, dans ce cas, c’est lu et approuvé par ces mêmes députés européens qui se gargarisent jour et nuit de discours écologiques, de droit des peuples et de démocratie. Ces gens sont même extrêmement fiers d’avoir généreusement prorogé la clause laissant l’exclusivité de la pêche aux poulpes aux pêcheurs locaux. Autant leur voter le droit de sucer les têtes des sardines rescapées des bateaux-usines.

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