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Liban : une explosion meurtrière sur fond de crise
Un peu plus d’un an après celle du port de Beyrouth, une nouvelle explosion meurtrière s’est produite dans le Akkar, dans le nord pauvre du Liban.
En cause, la crise d’approvisionnement de carburant qui, parmi d’autres pénuries dramatiques, affecte durement la population.
Dans la nuit du 15 août, une citerne gardée par l’armée a explosé tandis que des habitants tentaient de s’approvisionner, provoquant la mort de 28 personnes et en blessant 80 autres. L’annonce quelques jours auparavant par le gouverneur de la banque centrale de l’arrêt des subventions sur le carburant a augmenté l’angoisse de ceux pour qui il est vital, pour remplir les réservoirs des voitures et surtout pour faire fonctionner les groupes électrogènes. Des stations-service ont en effet fermé dès l’annonce, certains propriétaires spéculant sur la montée des prix.
Les centrales électriques elles-mêmes fonctionnent de moins en moins régulièrement, faute de carburant, et dans les villes, souvent sans éclairage nocturne, les coupures sont fréquentes et peuvent durer jusqu’à 20 heures par jour. Faire face à la chaleur est devenu mission impossible, notamment pour conserver les aliments, et les plus âgés courent de grands risques faute de ventilation. Les hôpitaux eux-mêmes sont privés de courant et l’hôpital public de Beyrouth ne peut faire fonctionner que deux générateurs sur sept. Des soignants en sont réduits à ventiler des malades à la main. Le plus grand hôpital privé de la ville vient d’annoncer qu’il devrait cesser ses activités faute de courant.
Au manque de carburant et de courant électrique s’ajoute une pénurie générale des produits importés, en raison du décrochage de la livre libanaise qui a perdu, depuis 2019, 90 % de sa valeur face au dollar. Se procurer des médicaments courants, devenus inabordables, est de toute façon très difficile, à l’hôpital comme dans les pharmacies. Le prix des produits alimentaires de première nécessité a explosé, multiplié par cinq ou six en quelques mois. Nombre de jeunes pourvus de diplômes ne voient que l’émigration comme solution.
La crise, inflation galopante et chômage massif, s’est tant aggravée que, selon l’ONU, près de 80 % de la population du petit pays sont sous le seuil de pauvreté défini par l’organisme. La classe bourgeoise qui se partage le pouvoir entre grandes familles des trois principales confessions est de plus en plus vomie par la population, victime de la corruption qui sévit d’autant plus avec la crise. La crise politique secoue le régime depuis des mois et, récemment, Saad Hariri a renoncé à prendre la responsabilité de former un gouvernement, clause imposée par les bailleurs de fonds éventuels et les grandes puissances pour verser des aides.
Depuis l’explosion dans le Akkar, de nouvelles manifestations ont mis en cause le Premier ministre intérimaire et des députés de la région, rassemblant notamment des jeunes du Mouvement du 17 octobre. « Le peuple exige la levée des immunités », a-t-on entendu. En effet, commente une manifestante : « Si les contestataires s’en prennent au domicile des hommes politiques, c’est parce qu’ils savent que tous leurs biens ont été puisés dans l’argent du peuple, par le biais de la corruption et du clientélisme ».
Précipitées dans la misère par la crise économique, les classes populaires ont raison de se révolter. Mais elles auront à s’en prendre, au-delà des gouvernements, au système capitaliste que ceux-ci défendent.