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Birmanie : dictature militaire et cauchemar sanitaire
Victime d’une violente répression depuis le putsch militaire de février dernier, de l’effondrement de l’économie, de la flambée des prix, de l’explosion de la pauvreté et de la malnutrition, la population birmane fait maintenant face à une catastrophe sanitaire.
Non seulement l’appareil d’État ne cherche absolument pas à protéger la population de l’explosion de la pandémie, mais il s’oppose à tous les moyens improvisés et mis en œuvre par la population elle-même pour y faire face. L’épidémie, en raison du variant Delta, ravage toute l’Asie du Sud-Est, mais la Birmanie est, du point de vue sanitaire, un « trou noir » tant l’expansion du virus y est rapide.
Selon une information britannique aux Nations unies, qui parle de « situation désespérée », 27 millions de Birmans, soit la moitié de la population, pourraient être infectés dans les quinze prochains jours.
Selon les témoignages, des familles entières périssent chez elles, les cimetières et les crématoriums ne peuvent plus faire face l’afflux des corps.
Selon l’ONU, seuls 40 % des établissements hospitaliers du pays, déjà sous-équipé avant le coup d’État, sont encore fonctionnels. Une grande partie du personnel soignant n’y exerce plus en raison de son opposition au régime et de la répression qu’il subit. Des centaines de travailleurs de la santé ont été tués, incarcérés ou sont en fuite, poursuivis par des mandats d’arrêt. L’armée poursuit et parfois assassine des médecins pour avoir dispensé des soins aux civils dans des cliniques caritatives hors de son contrôle. Ainsi le 19 juillet, des militaires ont appelé cinq médecins connus. Se faisant passer pour des malades du Covid, ils les ont ensuite arrêtés et ont effectué une descente dans leur cabinet, faisant main basse sur l’ensemble des réservoirs d’oxygène et des médicaments destinés aux civils.
Le programme de vaccination à peine initié avant le coup d’État a été stoppé et les vaccins sont réservés aujourd’hui aux seuls hôpitaux militaires, tout comme l’approvisionnement en oxygène. Malgré la répression, des réseaux de volontaires s’organisent pour en produire et nourrissent des familles contraintes à l’isolement. Celles-ci accrochent un drapeau jaune à leur fenêtre pour appeler à l’aide malgré les risques, puisque le régime, qui nie la catastrophe, veut en supprimer tous les signes visibles. À Rangoun et à Mandalay, les deux plus grandes villes du pays, de jour comme de nuit, des centaines de Birmans, équipés de bonbonnes, font le pied de grue devant des usines de production d’oxygène dans l’espoir de sauver un proche contraint à rester à domicile faute de place dans les hôpitaux.
Dans les prisons, la flambée est telle qu’un journal d’opposition indique : « Plus besoin de tuer les dissidents, il suffit de les jeter dans des prisons pleines de Covid. » Toutes les prisons du pays sont le théâtre d’émeutes.
Avant même le coup d’État, près de trois millions de Birmans souffraient de carences alimentaires. Selon certains experts internationaux, ce nombre serait en train de doubler. Quand elle ne les bloque pas, l’armée détourne à son profit et à celui des caciques du régime les aides humanitaires et sanitaires. Cette attitude n’est pas une nouveauté. Déjà en 2008, lors du passage du cyclone Nargis et des inondations meurtrières qui l’avaient suivi, l’armée birmane avait préféré laisser mourir de faim et d’épidémies les populations sinistrées, plutôt que de permettre à des organisations civiles ou humanitaires qu’elle ne contrôlait pas d’acheminer nourriture et médicaments. Le bilan avait été effroyable : officiellement 138 000 morts et des millions de sinistrés.
L’État birman se réduit ainsi à sa simple expression et à ce qui est sa nature profonde : une bande d’hommes armés au service de la classe dominante et chargée de réprimer la population. Toutes les autres fonctions, santé, éducation, aide sociale que les États accomplissent avec plus ou moins de moyens et d’ardeur au-delà de ce rôle fondamental, s’effacent et toute organisation venant des travailleurs eux-mêmes, même dans le simple domaine humanitaire, est considérée comme une menace que le régime réprime impitoyablement. Dans tous les domaines, ce régime se montre un ennemi implacable de l’écrasante majorité de la population.