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Dans les entreprises
Terra Fecundis : les damnés de la terre
Le procès de l’entreprise espagnole de travail temporaire Terra Fecundis s’est terminé vendredi 21 mai à Marseille. Le jugement doit être rendu en juillet prochain après dix ans d’enquête.
Terra Fecundis, société sise à Murcie dans le sud de l’Espagne, recrute des travailleurs venus pour la plupart du Maghreb ou d’Amérique latine, surtout équatoriens, pour les faire travailler dans des exploitations agricoles en France. Transportés jusqu’en France dans les bus de la société Terra Bus, filiale de Terra Fecundis, ces travailleurs y ont été employés dans des conditions iniques et logés de façon indigne.
Payés entre 6,90 et 7,50 euros de l’heure, ils travaillaient jusqu’à 14 heures par jour, les heures supplémentaires ne leur étant bien souvent pas payées, pas plus que les congés. Par exemple, en mai 2017, sept travailleurs intérimaires disaient avoir travaillé de 7 heures jusqu’à 18 heures, soit 70 heures par semaine, à récolter des asperges. Seulement, ces travailleurs craignaient plus que tout d’être repérés et de perdre leur travail. « Mes heures supplémentaires ne sont pas payées, mais au moins j’ai un travail et j’arrive à subvenir aux besoins de ma famille », disait l’un d’eux.
Cela n’a guère changé depuis. Ils sont souvent logés dans des locaux dénués des commodités élémentaires, dans des campings, entassés dans des mobil-homes trop petits. C’est d’ailleurs pourquoi, en juin 2020, il y a eu parmi eux une vague de contamination au coronavirus. Tous les exploitants agricoles ne sont pas aussi sans scrupules vis-à-vis des travailleurs détachés , mais d’autres peuvent se le permettre sans risque.
Chaque année, c’est entre 3 000 et 5 000 travailleurs qui sont ainsi employés. En 2013, au moins 795 exploitations agricoles françaises ont eu recours à ce système de location de main-d’œuvre. Elles paient Terra Fecundis et c’est celle-ci qui verse leurs salaires aux ouvriers.
Le procès qui vient de se terminer concernait la fraude vis-à-vis de la Sécurité sociale, mais il ne mettait pas en cause les grands propriétaires d’exploitations agricoles, gérant des centaines d’hectares de serres et de vergers, principaux bénéficiaires de ce système. De même, comme le disait une militante, « en Champagne, cet été, des intermédiaires ont été condamnés pour traite mais aucune des grandes maisons de champagne n’a été éclaboussée ». C’est ce qu’ont dénoncé la CFDT de l’agro-alimentaire, la Confédération paysanne, et le Collectif de défense des travailleurs étrangers dans l’agriculture (Codetras), qui lutte contre l’exploitation de la main-d’œuvre étrangère et pour l’égalité de traitement des travailleurs d’où qu’ils viennent.
Tant que la misère mettra des travailleurs l’obligation d’accepter de telles conditions d’exploitation, le combat restera à mener.