Pénuries, spéculation : le chaos de l’économie14/04/20212021Journal/medias/journalnumero/images/2021/04/2750.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Pénuries, spéculation : le chaos de l’économie

Semi-conducteurs, polymères, pigments, bois, acier : une pénurie de composants ou de matières premières provoque la mise à l’arrêt d’usines entières, des retards sur les chantiers et une flambée des prix dans la construction.

De PSA à Sochaux à Renault Trucks à Bourg-en-Bresse, des lignes de montage sont arrêtées et les ouvriers mis en chômage partiel pour manque de pièces. Des usines de peinture manquent de pigments ou de résine tandis que celles de la plasturgie n’ont plus de polymères.

Ces pénuries et la flambée des prix qu’elles engendrent ont plusieurs causes qui s’alimentent les unes les autres. Comme toujours, les économistes désignent la Chine comme bouc-émissaire. Ils accusent les industriels chinois de préempter les matières premières pour leurs propres usines, qui redémarrent après l’arrêt brutal provoqué par le Covid-19 l’an dernier.

D’autres dénoncent la pratique généralisée du flux tendu, avec des stocks réduits au minimum pour diminuer les frais. Ils incriminent la délocalisation massive dans des pays à bas coûts salariaux, et dans un nombre réduit d’usines, de la production de ces composants de base. Sans stocks et avec de longs trajets pour assurer les livraisons, le moindre aléa, fermeture du canal de Suez par un porte-conteneurs en perdition, vague de froid au Texas ou tremblement de terre au Japon, peut en effet interrompre l’approvisionnement.

À ces raisons, bien réelles, s’en ajoutent de plus fondamentales, qui découlent de l’anarchie de l’économie capitaliste. Chaque capitaliste, dans chaque secteur économique, passe des commandes à ses sous-traitants, en aveugle, sans tenir compte de ses concurrents. Avec le confinement du printemps 2020, de nombreuses installations avaient été mises au ralenti, parfois fermées définitivement pour les moins rentables. Chaque industriel relance ses ateliers, ses mines ou ses terminaux, si et quand il le décide, en privilégiant les commandes les plus rentables plutôt que les plus indispensables. Ainsi, l’industrie pétrolière et chimique préfère produire de l’éthylène plutôt que du polypropylène, qui manque pourtant aujourd’hui dans toute la plasturgie. Dans le transport maritime, des armateurs n’hésitent pas à renvoyer des porte-conteneurs vides des États-Unis vers la Chine tant ils gagnent des fortunes avec le seul trajet aller. Une telle attitude, répétée par tous les acteurs, provoque désorganisation et pénurie.

À cette anarchie généralisée s’ajoute la spéculation à tous les étages. Sur les marchés de matières premières, à Chicago ou à Genève, des sociétés spécialisées ou de grandes banques profitent des pénuries pour acheter puis revendre avec profit des stocks de pétrole, de bois, d’acier. À leur niveau, des intermédiaires détournent des cargaisons de matières premières déjà commandées pour les revendre à plus offrant. Cette spéculation aggrave la crise.

Les travailleurs paient cette organisation folle par les pénuries qu’elle engendre, y compris celle des vaccins, par les alternances de chômage partiel et d’heures supplémentaires, par la précarité qui se généralise et encore par la menace du retour de l’inflation, qui réduira leur pouvoir d’achat. Pour y remédier, il ne suffira ni de rétablir des stocks dans les usines ni de relocaliser la production. C’est l’économie qui doit être réorganisée, planifiée à partir de l’inventaire des besoins, en ôtant aux capitalistes le pouvoir de décider et en commençant par les exproprier.

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