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Dans les entreprises
Ikea : un flicage si courant
Le procès de dix anciens dirigeants d’Ikea France, de quatre policiers et d’un détective privé a démarré lundi 22 mars au tribunal correctionnel de Versailles pour « avoir mis en place un système d’espionnage organisé » contre des salariés et des clients.
Entre 2003 et 2012, la direction d’Ikea France a collecté des informations personnelles sur des militants syndicaux ou des travailleurs dont le train de vie ou les fréquentations intriguaient leur hiérarchie et avant chaque embauche en CDI. Des traces d’enquêtes portant sur plus de 330 salariés ont été retrouvées mais tout un stock de documents ayant été détruit en 2012, quand l’affaire a été rendue publique, des centaines d’autres noms ont été effacés.
Les dirigeants d’Ikea ont eu recours aux services de la société Eirspace, une officine spécialisée dans le renseignement économique. Fondée par un ancien des Renseignements généraux, elle accédait aux informations du Système de traitement des infractions constatées, le Stic, un fichier central de la police supposé confidentiel. Contre un peu d’argent ou par amitié, des policiers en poste en transmettaient les informations. C’est ce recours illégal à des policiers en activité qui est reproché à Eirspace, pas ses enquêtes sur des salariés. Pour moucharder les délégués du personnel ou d’autres travailleurs à l’intérieur de ses magasins, Ikea s’est également appuyé sur les services de la société de sécurité GSG.
Pour une fois, les méthodes de flicage patronal donnent lieu à un procès médiatisé. Ceux qui se sont fait prendre la main dans le sac seront probablement condamnés. Mais les méthodes d’Ikea n’ont rien d’exceptionnel. Déjà, avant le moindre entretien d’embauche, n’importe quel service de Ressources humaines effectue une recherche sur Google ou d’autres réseaux sociaux. Mais les patrons disposent de multiples autres réseaux parallèles, bien plus performants, pour obtenir des renseignements plus confidentiels sur les travailleurs, en particulier sur des militants qu’ils ont dans le collimateur. Il y a les officines privées du type Eirspace. Celles-ci recrutent régulièrement des anciens policiers ou des membres de la DGSE pour mener des enquêtes et même pour intimider des salariés jugés indésirables. Des articles récents de Libération et du Canard enchaîné ont relaté les exploits d’anciens barbouzes qui se sont fait prendre car un peu trop pieds nickelés.
Quant aux plus grandes entreprises, elles peuvent compter sur la collaboration directe des Renseignements généraux ou des services des préfectures et de l’État. Défendre l’ordre social et les intérêts des puissants sont leurs principales missions.