Archives de l’État : circulez, il n’y a rien à voir !24/03/20212021Journal/medias/journalnumero/images/2021/03/2747.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Archives de l’État : circulez, il n’y a rien à voir !

Macron a annoncé le 9 mars la déclassification des documents secret défense datant de plus de cinquante ans. Mais des collectifs d’historiens et d’archivistes dénoncent le fait qu’en réalité d’autres textes leur font barrage.

L’État français tient à maintenir l’opacité sur ses agissements, notamment ceux de la période coloniale.

Macron avait pourtant déclaré en 2018, à propos des disparus de la guerre d’Algérie, et en particulier de ceux qui avaient été torturés par l’armée française : « Une dérogation générale [...] ouvrira à la libre consultation tous les fonds d’archives de l’État qui concernent ce sujet. » Mais, depuis, c’est tout l’inverse. Une instruction générale interministérielle transforme la consultation des archives classées secret défense en un parcours du combattant administratif, bien souvent dissuasif. Cette instruction émane d’un organisme rattaché au cabinet du Premier ministre, et plusieurs collectifs d’historiens cherchent à la combattre. Ils ont déposé un recours devant le Conseil d’État le 15 janvier, dans le but de l’annuler.

Selon eux, l’accès aux archives s’est progressivement durci depuis 2011. Auparavant, certains documents d’État, liés par exemple aux actions de l’armée en Indochine ou en Algérie, étaient certes inaccessibles. Cela allait de pair avec le fait que l’État ne reconnaissait pas l’existence de ces actions. Mais, dans les faits, l’accès à une autre partie des documents classés, probablement un peu moins sensibles, se faisait au bon vouloir des fonctionnaires des Archives nationales. De plus, une loi avait été promulguée en 2008, stipulant qu’au-delà de cinquante ans le secret défense ne s’appliquerait plus. Elle laissait donc de bons espoirs aux historiens.

Depuis, ceux-ci se sont rendu compte de ce que valaient cette loi et les discours de Macron. Au sujet de son communiqué du 9 mars, l’Association des archivistes français déclare d’ailleurs qu’il ne change malheureusement rien au fond du problème en ajoutant : « Bien au contraire, il confirme qu’il est toujours nécessaire de déclassifier des documents d’archives publiques, que la loi déclare pourtant communicables de plein droit. »

Soixante ans après, l’État français reste un État de droit… de ne pas être inquiété pour avoir torturé.

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