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Leur société
LuxLeaks : les secrets bien gardés de la bourgeoisie
Mardi 2 février, le journaliste Édouard Perrin passait devant la cour d’appel de Metz. Ce énième rebondissement judiciaire fait suite à son reportage, diffusé par Cash Investigation en mai 2012, qui révélait une partie des accords secrets existant entre les multinationales et le fisc luxembourgeois.
Édouard Perrin a en effet fait appel de la décision qui l’a condamné à 3 000 euros d’amende en 2018. Dans le sillage des révélations sur l’évasion fiscale, le journaliste avait à l’époque assigné en référé au tribunal la société d’audit luxembourgeoise PriceWaterHouseCoopers (PwC). Celle-ci – et les montages fiscaux secrets qu’elle concoctait pour de grandes entreprises – était au centre de son enquête et Édouard Perrin contestait l’ordonnance qui avait permis à PwC d’identifier ses sources au sein de l’entreprise.
Car, si le journaliste a pu révéler ces pratiques, c’est grâce aux informations de deux employés de PwC, Antoine Deltour d’abord, puis Raphaël Halet. Deux ans après l’émission de Cash Investigation, les quotidiens de plusieurs pays avaient publié la totalité des accords secrets en question, montrant ainsi qu’il s’agissait d’une pratique courante, voire systématique, des plus grandes entreprises mondiales, tous secteurs confondus.
Pour avoir dénoncé les agissements de ces hors-la-loi et pour « pouvoir me regarder dans une glace sans me dire que si on attend des heures dans les urgences des hôpitaux faute de budget pour embaucher, c’est indirectement à cause de mon travail », comme le disait Raphaël Halet, les deux salariés de PwC et le journaliste Édouard Perrin se sont retrouvés une première fois devant les tribunaux luxembourgeois au printemps 2016, accusés, entre autres choses, de vol et de violation du secret des affaires.
Si Antoine Deltour a fini par obtenir de la justice luxembourgeoise le statut de lanceur d’alerte, qui lui permet d’échapper aux chefs d’accusation les plus lourds, ce statut a été refusé à Raphaël Halet, au prétexte surréaliste que ses révélations ne fournissaient pas « d’informations jusqu’alors inconnues ». Il est donc toujours sous le coup d’une condamnation avec sursis par les tribunaux luxembourgeois.
Les révélations de la presse en 2014, puis celles des Panama Papers en 2016, avaient entraîné moult déclarations indignées et promesses de mesures contre les paradis fiscaux. L’Union européenne avait même publié une liste « noire » des paradis fiscaux en décembre 2018… sur laquelle ne figurait aucun pays européen, pas même le Luxembourg. Selon Openlux, la nouvelle enquête d’un consortium mondial de journalistes, « près de la moitié des entreprises commerciales enregistrées dans le pays sont de pures holdings financières, des sociétés offshore totalisant pas moins de 6 500 milliards d’euros d’actifs ».
C’est en toute connaissance de cause que les gouvernements garantissent aux grandes entreprises et à leurs actionnaires, non seulement des lois qui les protègent, mais même l’impunité lorsqu’ils les piétinent. Le secret des affaires et le secret commercial leur permettent de couvrir d’un voile opaque toutes les combines, légales ou non, en garantissant même de clouer le bec aux travailleurs qui veulent dénoncer les agissements de leur patron et à ceux qui veulent les y aider.