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Dans le monde
Italie : un gouvernement de “salut national” des industriels et des banquiers
Une crise gouvernementale a éclaté en Italie suite au retrait du petit parti de Matteo Renzi, Italia Viva (Italie vivante), de la coalition de gouvernement de Giuseppe Conte.
Celle-ci reposait essentiellement sur l’alliance du M5S, le parti « antisystème » de l’ex-comique Beppe Grillo et du Parti démocrate (PD) de centre gauche. Sur cette situation, nous publions l’éditorial de nos camarades de l’Internazionale (Italie-UCI).
«Depuis début décembre, les polémiques autour du gouvernement Conte, les attaques de Renzi, les tentatives de trouver, au Parlement, un nouveau soutien à l’édifice de plus en plus branlant de la coalition « jaune-rouge », ont suscité une telle agitation que la crise économique semblait ne plus exister. Mais la crise économique existe bel et bien et la pandémie l’a encore aggravée.
Au fil de la crise gouvernementale, les voix qui, d’une façon ou d’une autre, expriment les intérêts du grand capital, se sont aussi fait entendre. Et c’est d’elles qu’est d’abord venu l’appui à Mario Draghi.
En fin de compte, ce qui a été reproché à Conte est de ne pas avoir une équipe suffisamment armée pour « savoir dépenser » les 209 milliards du « Recovery Fund », autrement dit les fonds pouvant être accordés par l’Union européenne, qui ouvrent l’appétit de tous les secteurs de la bourgeoisie industrielle et commerciale et des banques. Pour ce faire, Draghi serait l’homme de la situation, de par sa longue expérience de gouverneur de la Banque d’Italie d’abord, et de la BCE ensuite. Dans ce dernier rôle, il passe unanimement pour le « sauveur » de l’économie européenne, et italienne en particulier, grâce à l’acquisition sans limites de titres de la dette publique.
Enfin – crient-ils tous en chœur – il y aura des ministres compétents ! Draghi, ce représentant du monde de la finance, aurait en particulier la « compétence » de remettre l’économie en marche avec les milliards du fonds européen. Le rêve que partagent tous ces admirateurs est à peu près le même : le nouveau gouvernement, armé de toutes ses « compétences », parviendra à formuler des projets fiables sur des aspects importants de l’économie nationale, ceux-ci seront mis en œuvre et créeront un cercle vertueux, l’économie repartira et les entrées fiscales augmenteront elles-aussi, permettant de garder sous contrôle l’énorme dette publique.
Voilà leur vision idéalisée du fonctionnement de l’économie capitaliste, présentée comme un engrenage aux roues dentées bien alignées, auquel ne manquaient qu’un peu de lubrifiant et un tour de clé énergique pour le faire repartir.
Mais ce que tous semblent avoir oublié est que le point de départ de la crise se trouve dans la production et que celle-ci, bien avant le Covid, était, pour les capitalistes du monde entier, un domaine de moins en moins rentable où investir leurs capitaux. Même si les milliards du Recovery Fund arrivaient, accompagnés des immanquables réformes réclamées par l’Union européenne, dans les secteurs à haute technologie, les infrastructures ou la prétendue économie verte, rien ne dit que cela se traduirait par une reprise significative des ventes pour l’industrie italienne, au point de résorber le chômage.
Mais même en admettant que Draghi parvienne à engendrer un élan de l’appareil productif, il s’agirait de toute façon d’un processus s’étalant sur des années. Après la crise de 2008, le PIB italien n’est revenu aux niveaux d’avant crise qu’au bout d’une décennie, pour stagner à nouveau dès 2019.
C’est sur cette question de temps que se joue désormais la partie décisive pour les travailleurs. La grande bourgeoisie a suffisamment de richesses pour pouvoir se permettre d’attendre et de voir si l’expérience fonctionne ou non. Entretemps, elle continuera à spéculer et à s’enrichir sur les marchés financiers, comme elle l’a toujours fait. Il n’en va pas de même pour les centaines de milliers de travailleurs qui ont déjà perdu, en même temps que leur emploi, leur maigre source de revenus. La perspective de débloquer la possibilité de licencier, réclamée avec de plus en plus d’insistance par les associations patronales et les économistes à leur botte, indique que le chômage va encore augmenter.
Le fait que pratiquement tous les partis se retrouvent à soutenir le futur gouvernement est la meilleure illustration de la menace qui pèse sur le monde du travail. Lorsque les gouvernements se préparent à frapper encore plus durement les droits des travailleurs, c’est toujours au nom du « salut national ». Les syndicats leur emboitent le pas en appelant à la « concertation ». Mais il n’y a rien à discuter. Il y a à exiger la garantie immédiate d’un travail et d’un salaire décents pour tous. C’est la revendication la plus urgente à mettre à l’ordre du jour pour toutes les catégories de la classe ouvrière, dans toutes les entreprises.»