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États-Unis : Trump battu, les travailleurs n’ont pas gagné
Quand il est apparu, après plusieurs jours de suspense, que Biden avait non seulement remporté la majorité des suffrages dans le pays, mais qu’il s’était aussi imposé dans les quelques États-clés qui lui ont donné le nombre suffisant de grands électeurs pour occuper la Maison-Blanche, des foules sont descendues dans les rues des grandes villes américaines pour faire la fête.
Bien plus que de la victoire du candidat démocrate, qui n’a rien fait pour susciter un quelconque enthousiasme populaire, les manifestants se réjouissaient avant tout de la défaite de Trump. Voir ce raciste et misogyne, qui traitait ses adversaires politiques de perdants (« losers »), perdre à son tour est en effet plaisant.
Au-delà de ces manifestations de joie, une partie des électeurs de Biden espèrent que des changements vont intervenir quand le nouveau président rentrera en fonction en janvier prochain. Le mandat de Biden, flanqué de sa vice-présidente noire Kamala Harris, signifiera-t-il moins de brutalités racistes de la part de la police, contre lesquelles les Noirs et une partie de la jeunesse blanche ont manifesté ces derniers mois ?
Il faut se souvenir que les huit années à la Maison-Blanche d’Obama, le premier président noir, n’ont changé en rien le comportement de la police. D’ailleurs les crimes odieux commis ces derniers mois par des policiers, étouffant George Floyd à Minneapolis, tuant Breonna Taylor chez elle en pleine nuit à Louisville, blessant gravement Jacob Blake à Kenosha, ont été commis par les services de police de villes dirigées par le Parti démocrate, le parti de Biden.
La police, tout autant que la justice, défend l’ordre social actuel et son injustice. Ces institutions ont toujours été dures envers les pauvres, dont une bonne partie sont des Noirs. Le racisme est inséparable de cet État américain qui a été construit pour défendre les privilèges des classes exploiteuses. Biden n’y changera rien : dans sa campagne, il s’est contenté de pleurer les victimes, tout en parlant de la nécessité de défendre « la loi et l’ordre », ce qui est le prétexte habituel des brutalités policières couvertes par la justice.
La question de la hausse des salaires fait aussi partie des attentes d’une partie des électeurs démocrates. Les appareils syndicaux ont financé la campagne des démocrates et ont fait eux-mêmes campagne contre les républicains, sur le thème de l’augmentation du salaire minimum fédéral à 15 dollars (12,70 euros) de l’heure.
Or sous Obama, après une hausse initiale très faible de 70 cents en 2009, ce minimum est resté bloqué pendant sept ans à 7,25 dollars : le Sénat s’est opposé à toute hausse. Trump ne l’a pas non plus fait évoluer. Ainsi, les travailleurs payés au salaire minimum fédéral ont un pouvoir d’achat inférieur d’environ 50 % à ce qu’il était en 1968, époque où les dirigeants des États-Unis faisaient face à une grande vague de contestation sociale qui les avait obligés à des concessions.
Les travailleurs n’ont rien à attendre d’un Biden, qui est depuis cinquante ans un homme politique qui a servi avec constance la bourgeoisie tant au Sénat qu’à la vice-présidence. Pour justifier l’écart entre les illusions que son élection a pu susciter et la réalité de sa politique propatronale, il pourra prétexter que le Sénat restera probablement à majorité républicaine.
S’ils veulent du changement – de meilleurs salaires, ne plus subir licenciements et fermetures d’usine, ne plus vivre dans la peur de la police, etc. – les opprimés ne pourront pas l’obtenir en se fiant à un Biden, qui est tout autant leur adversaire que l’était Trump. Il leur faut se préparer à la lutte pour forcer le pouvoir à céder et la bourgeoisie à prendre sur les profits.