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États-Unis : les menaces d’extrême droite
Ces derniers mois, des groupes armés d’extrême droite se sont manifestés aux États-Unis, souvent encouragés par Trump lui-même. Nous traduisons les principaux extraits d’un article qui leur était consacré dans le numéro du 12 octobre de l’hebdomadaire trotskyste américain The Spark.
« Dans le Michigan, 13 hommes, dont certains s’identifiaient comme membres d’une milice nommée les Boogaloo Bois, ont été arrêtés pour avoir préparé l’enlèvement de la gouverneure démocrate de l’État, Gretchen Whitmer. Selon le FBI, leur objectif était de la juger pour trahison avant le scrutin du 3 novembre. Certains de ces miliciens avaient participé aux manifestations du printemps dans la capitale de l’État, Lansing, après que Trump eut twitté « Libérez le Michigan ». Des groupes avaient alors envahi l’Assemblée de l’État, armés de fusils et invoquant le second amendement de la Constitution des États-Unis, qui garantit depuis 1791 le droit de porter des armes. Au nom de la défense de la liberté individuelle, ils ont également refusé de porter un masque, soutenant Trump sur ce point.
Face aux mobilisations croissantes contre les violences policières et le racisme, l’extrême droite s’est souvent positionnée comme une alliée de la police. À Kenosha dans le Wisconsin, suite aux protestations qui ont éclaté après que Jacob Blake a été grièvement blessé par la police le 23 août dernier, certains militants se sont dirigés vers la ville, prétendant protéger les commerçants. Dans le Michigan, les Proud Boys (gars fiers), une organisation raciste et misogyne saluée par Trump lors d’un débat avec Biden, ont paradé au centre de Kalamazoo, se déclarant prêts à nettoyer les rues des manifestants antiracistes. Enfin à Portland, dans l’Oregon, des invasions périodiques de groupes armés d’extrême droite ont lieu ; au cours des derniers 18 mois, il y en a eu 17, avec des militants venant de différents États.
Ces exhibitions armées sont parfois plus violentes que cela. Selon l’Anti-Defamation League, une association de lutte contre l’antisémitisme, en 2019 il y a eu 42 attaques meurtrières menées avec des motivations politiques, dont 38 par l’extrême droite : néo-nazis, suprématistes blancs, anti-immigrés, misogynes, fondamentalistes chrétiens et groupes opposés à l’avortement. La plus mortelle a eu lieu dans une grande surface d’El Paso au Texas, où un jeune homme de 19 ans, voulant arrêter « l’invasion hispanique », a tué 23 personnes. En 2015, un « nationaliste blanc » avait tué neuf personnes dans une église noire de Caroline du Sud. Dans le Colorado, trois personnes avaient été tuées dans une clinique pratiquant des avortements. En 2018, deux femmes avaient été tuées dans une salle de yoga en Floride, par un mouvement misogyne. Et on ignore combien de migrants ont été tués par les soi-disant patriotes qui patrouillent le long de la frontière avec le Mexique.
Depuis les protestations provoquées par le meurtre de George Floyd, les attaques violentes de l’extrême droite se sont multipliées. D’après la police, il y aurait eu 50 incidents ciblant des manifestations Black Lives Matter, avec plusieurs morts.
Pour bien des gens, la réponse est de se débarrasser de Trump et de le remplacer par une administration démocrate. Mais l’extrême droite existait bien avant Trump. Elle a été un trait presque permanent du paysage politique américain, comme force armée tenue en réserve par la classe capitaliste, mais parfois utilisée lorsque son propre appareil d’État s’avérait insuffisant pour faire face à une mobilisation populaire. L’extrême droite a longtemps été alliée ou liée aux forces de violence officielles : police, fonctionnaires de l’immigration, autres agences de sécurité. Ces liens perdurent.
Pendant les longues périodes où le Sud a été traversé par des mouvements populaires, le Ku Klux Klan (KKK) a souvent mené l’attaque contre la population noire. Après la guerre de Sécession, contre les Noirs libérés des chaînes de l’esclavage, puis dans les années 1890 contre les mouvements agraires, dans les années 1930 contre les organisations syndicales, et des années 1940 à la fin des années 1960 contre la mobilisation des Noirs, le KKK a été un défenseur de premier plan de l’ordre capitaliste.
D’autres organisations, comme les Pinkerton ou l’American Legion, ont joué, selon les périodes, un rôle comparable de supplétifs armés. De telles forces ont existé sous différentes administrations. La pire violence fut organisée sous l’administration du démocrate Woodrow Wilson (1913-1921). Considérer les démocrates comme une protection contre une extrême droite violente revient à se désarmer à l’avance.
La classe ouvrière doit comprendre que cette menace violente peut la viser. Il faut que des organisations révolutionnaires, implantées dans la classe ouvrière, montrent qu’elle a les moyens de se défendre, en s’inspirant de l’histoire du mouvement ouvrier.
Dans les périodes où l’extrême droite a été repoussée, c’est la population qui l’a combattue, pas le FBI, ni la police, ni aucune administration démocrate ou républicaine, et certainement pas des sauveurs autoproclamés. Le KKK a pratiquement disparu pendant toute une période, après que la vaste mobilisation noire des années 1950 et 1960 eut fait peur à ces lâches qui se cachaient sous leurs draps. Dans les années 1930, l’American Legion et d’autres groupes fascisants armés ont disparu après que les militants de la fédération syndicale CIO eurent cessé d’appeler la police à l’aide, alors que la police était de l’autre bord. Ce mouvement syndical s’est construit sur la base de ses propres groupes de défense organisés.
Cette défense était organisée par la population là où elle vivait, là où elle travaillait, entre gens qui se faisaient confiance, qui savaient sur qui ils pouvaient compter et qui partageaient les mêmes perspectives. Et cela dépendait toujours du fait qu’il y ait des militants implantés dans les rangs des classes pauvres et défendant une telle organisation. »