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- Lutte ouvrière n°2722
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Editorial
Les intérêts des travailleurs doivent s’exprimer !
Suppressions d’emplois, plans de licenciements, mises en faillite, fermetures d’entreprises : chaque semaine, des milliers d’ouvriers, d’employés, de techniciens et d’ingénieurs apprennent que leur emploi est menacé, et d’autres prennent le chemin de Pôle emploi. Mais le coup de colère qui marque l’actualité n’est pas venu des ouvriers de l’usine de pneus Bridgestone à Béthune, ou d’Inteva, le sous-traitant automobile qui ferme une usine à Saint-Dié. Il est venu des patrons de cafés et de restaurants.
Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a annoncé un nouveau tour de vis sanitaire imposant la fermeture des bars et des restaurants à partir de 22 heures dans de nombreuses métropoles et, à Marseille, leur fermeture totale pendant quinze jours. Le tollé des gérants a été immédiat.
À Marseille, l’annonce a fait l’effet d’un coup de massue pour beaucoup de bistrotiers et restaurateurs de quartier, déjà éprouvés par la période du confinement. Un coup de massue doublé d’un sentiment d’injustice car, si le virus circule beaucoup, le problème à Marseille, comme dans d’autres régions, réside d’abord dans le faible nombre de places en réanimation.
Les hôpitaux sont sur le fil du rasoir déjà en temps normal et on a vu en mars-avril qu’ils étaient incapables de gérer un nouvel afflux de malades sans déprogrammer d’autres interventions. Mais, en six mois, le gouvernement n’a rien fait, ne serait-ce que pour desserrer la pression habituelle, tant et si bien qu’avec une quarantaine de personnes en réanimation, à Marseille, on est proche de la saturation.
De fait, les patrons de bars et de restaurants payent pour l’incurie gouvernementale. Oui, ils ont de quoi être en colère, et qu’ils se battent pour défendre leur gagne-pain se comprend parfaitement !
Ces patrons petits et moyens connaissent des situations très variées. Certains possèdent un ou plusieurs restaurants à la réputation bien établie et sont de véritables bourgeois. Ils jouissent d’une situation prospère. Proches des notables, quand ils ne le sont pas eux-mêmes, ils savent pouvoir compter sur le soutien de l’État. Même s’ils ont la bouche pleine, on les entendra pleurer, parce qu’ils savent qu’ils en retireront toujours quelque chose.
Mais ce qui se joue pour les plus petits, c’est-à-dire pour la grande masse des commerçants, c’est leur gagne-pain, la survie de leur affaire et l’avenir de leurs enfants. Pour échapper au chômage, beaucoup de travailleurs ont choisi d’ouvrir un petit commerce. Endettés sur des années, ils alignent des heures et des heures derrière le comptoir pour rentrer dans leurs frais. Ils s’enorgueillissent parfois d’être leur propre patron. Mais avant de se payer un salaire, quand ils s’en versent un, ils doivent payer leur propriétaire et leur banquier.
Et l’inquiétude va bien au-delà du secteur de la restauration. La crise économique et l’appauvrissement des classes populaires fragilisent depuis déjà des années toute une partie de la petite bourgeoisie commerçante.
Tout comme les ouvriers, ces petits patrons prennent la crise actuelle de plein fouet. Comme les intérimaires, les CDD ou les auto-entrepreneurs qui ont perdu leur travail, beaucoup se sentent menacés dans leurs conditions d’existence. Mais, eux, ils donnent de la voix et ils se font en partie entendre !
Le gouvernement a rouvert les cordons de la bourse en assurant les cafetiers et restaurateurs que l’État couvrirait leur manque-à-gagner. C’est encore à voir, parce que, dans cette société, ce sont toujours les plus gros qui tirent la couverture à eux, et plus on est petit, plus il faut se débrouiller seul. Le bras de fer est donc loin d’être terminé.
Mais cette fronde sociale démontre, une fois de plus, qu’on a tout à gagner à dénoncer, à protester, à se battre. C’est le seul moyen de défendre ses intérêts. À Marseille, les gérants de cafés restaurants ont manifesté en criant « On veut travailler ! » Eh bien, les ouvriers de Bridgestone ou de Smart, les salariés de la Halle ou du groupe Auchan ont autant de raisons de crier la même exigence.
Que l’on se sente capable ou pas de faire reculer les multinationales et les licencieurs, il faut crier notre révolte. Licencier, aujourd’hui, dans cette période de crise, doit être assimilé à un crime ! La moindre des choses est de forcer le grand patronat à préserver les emplois ! Pour travailler tous, il faut répartir le travail ! Que l’argent public serve à la création d’emplois dans les hôpitaux et les Ehpad !
Les travailleurs ont leurs intérêts à défendre. Les affirmer est la première étape pour se préparer au combat nécessaire.
Bulletins d’entreprise du 28 septembre 2020