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Liban : la démission du gouvernement ne calmera pas la colère
Le Premier ministre libanais, Hassane Diab, a dû annoncer lundi 10 août la démission de son gouvernement. Il n’avait guère d’autre issue devant la colère populaire qui s’amplifie et se traduit par des manifestations incessantes contre les dirigeants politiques, tenus pour responsables de l’explosion meurtrière qui a dévasté Beyrouth le 4 août.
Les 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium qui ont explosé étaient stockées depuis plus de six ans, sans mesures de sécurité particulières, dans la zone du port, à proximité des habitations. Les responsables qui se sont succédé depuis six ans au sein de l’appareil d’État avaient négligé les multiples alertes lancées par les employés et les responsables du terrain sur le danger de ce stockage.
La démission du gouvernement est loin de mettre fin à une contestation qui dure en fait depuis octobre 2019. Avec le slogan « Pendez les tous ! », elle a repris de la vigueur suite à cette catastrophe qui, avec son lot de victimes et de destructions, marque le sommet de l’incurie du système politique en place : un système dans lequel les couches dominantes, qui se présentent comme les garantes des intérêts de telle ou telle communauté religieuse, se disputent, voire se partagent le pouvoir en fonction des critères confessionnels. Tout en distribuant quelques miettes à leurs clientèles, ces différentes fractions de la bourgeoisie pillent les caisses de l’État pour compléter ce qu’elles prélèvent par l’exploitation directe des travailleurs.
Ce n’est certes pas l’aide des puissances impérialistes, comme celle que Macron a promise lors du bain de foule qu’il s’est offert à Beyrouth deux jours après l’explosion, qui aidera les couches populaires libanaises à sortir de cette situation. Le système politique ne fait pas que garantir les postes des politiciens en place, il pérennise la situation du Liban comme État semi-colonial qui est un point d’appui pour les différentes puissances mondiales et régionales voulant être présentes dans la région et en récupérer les ressources.
Pendant longtemps, le système de secret bancaire renforcé mis en place dans les années 1950, dans ce pays surnommé « la Suisse du Moyen-Orient », avait offert un abri sûr aux capitaux accumulés grâce à l’exploitation des travailleurs de la région. Après la guerre civile des années 1975-1990, c’est le taux de rétribution faramineux offert par la banque centrale du Liban à ses prêteurs qui a fait le bonheur des investisseurs libanais et étrangers. La population en paie les conséquences aujourd’hui, elle à qui on présente depuis quelques mois la note de la dette de l’État libanais devenu insolvable. Les classes dominantes, elles, ont pu transférer à l’étranger les milliards d’euros qu’elles ont accumulés, bénéficiant de la pleine collaboration des banques mondiales. Le résultat a été l’écroulement de la valeur de la monnaie libanaise et l’appauvrissement brutal de la majorité de la population.
Le système en place s’est révélé tellement précieux pour les puissances impérialistes qu’on ne peut rien en attendre d’autre, lorsqu’elles parlent d’une nécessaire réforme du système politique, que la caution à un ravalement de façade. La guerre civile de 1975-1990, avec ses centaines de milliers de morts et ses destructions sans nombre, ne s’était pas terminée autrement.
253 millions d’euros d’aides ont été annoncés par la Conférence internationale de soutien et d’appui à Beyrouth et au peuple libanais organisée par Macron, qui à l’en croire seraient destinés directement à la population libanaise. On peut imaginer que la plus grande partie finira dans la poche des entreprises du BTP, si même elle est finalement versée. Cette somme restera en tout cas bien dérisoire comparée aux 2,3 milliards d’euros que l’Arabie saoudite a offerts en 2014 à l’armée libanaise pour s’équiper de matériel militaire auprès de la France. L’envoi de l’armée, ces derniers jours, pour soutenir la police dans la répression des manifestants, a montré à quoi pouvait servir ce beau matériel, dans un pays où les autres services publics sont dépourvus de tout.
C’est encore moins un quelconque gouvernement de technocrates, comme certains courants dits de la société civile le réclament, qui pourra garantir les intérêts des travailleurs. Un tel gouvernement sera bien plus attentif aux intérêts des puissances impérialistes et de leurs banques, qui exigeront que la dette du pays soit payée, même si cela plonge la population dans la misère.
La population pauvre et les travailleurs du Liban ne pourront compter que sur leurs propres forces et sur la solidarité des travailleurs des pays de la région et du monde, pour reprendre l’argent qui leur a été volé, imposer leur contrôle sur l’économie et la mettre vraiment à leur service.