États-Unis : des statues symboles d’un passé raciste22/07/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/07/LO2712.png.445x577_q85_box-0%2C36%2C552%2C752_crop_detail.jpg

Dans le monde

États-Unis : des statues symboles d’un passé raciste

Alors que le mouvement contre le racisme et les violences policières se poursuit aux États-Unis, de nombreux monuments, statues et symboles glorifiant le passé esclavagiste du pays ont été pris pour cible par les manifestants.

Il y a plusieurs centaines de ces statues, et quelque 1 500 symboles confédérés dans le sud du pays. Nombre d’entre elles ont été érigées au début du 20e siècle, alors que le Ku Klux Klan connaissait un nouvel essor, ou même après la Seconde Guerre mondiale. Certaines ont récemment été déboulonnées par les autorités locales, d’autres ont été mises à bas par des manifestants, aussitôt attaqués par Trump et tout ce que le pays compte de racistes.

Dans l’éditorial de ses bulletins d’entreprise (5 juillet), dont nous traduisons ici les principaux extraits, le groupe trotskyste américain The Spark revient sur cette histoire.

« Oui, les statues confédérées doivent être abattues et réduites en miettes. Ce ne sont pas seulement d’innocents morceaux de ciment ou de roche. Ils symbolisent le système barbare dont le but était l’esclavage, la propriété d’êtres humains à des fins commerciales.

Les statues que les jeunes abattent aujourd’hui glorifient des hommes violents qui ont mené une guerre brutale pour préserver l’esclavage. Au sein de la Convention constitutionnelle qui a établi la Confédération des États sécessionnistes, son nouveau vice-président, Alexander Stephens, expliqua ainsi en 1861 le but des rebelles : « Notre gouvernement est fondé sur l’idée que le nègre n’est pas égal à l’homme blanc ; que l’esclavage, la subordination à la race supérieure, est sa condition naturelle et normale. Notre nouveau gouvernement est le premier, dans l’histoire du monde, basé sur cette grande vérité physique, philosophique et morale. »

La Confédération et tous les généraux, à commencer par Robert E. Lee, combattaient pour maintenir par la force l’esclavage dans le Sud, et pour l’étendre vers les nouveaux territoires à l’ouest et jusqu’aux États agricoles du Midwest au nord.

Quelle que fût la lenteur du cheminement d’Abraham Lincoln (le président de 1861 à 1865), quelles que fussent ses hésitations, il comprenait qu’un même pays ne pouvait être à moitié fondé sur le travail des esclaves, et à moitié sur le travail libre. Ce n’était pas un choix moral, c’était un choix pratique, avec des implications morales. La qualité de Lincoln fut de reconnaître ce que les généraux nordistes Grant et Sherman reconnurent avant lui : que le Nord ne pouvait l’emporter s’il n’émancipait pas les esclaves. Les troupes des armées de l’Union étaient composées des fils de fermiers du Nord qui comprenaient cette même vérité. Le Sud fut vaincu quand les esclaves s’émancipèrent, quittèrent les plantations, paralysant l’économie du Sud, renforçant les armées du Nord. Les esclaves entraînèrent derrière eux de nombreux Blancs sans terre, qui n’avaient pas intérêt à la guerre menée par la Confédération. Ensemble, ils entraînèrent des Blancs pauvres qui désertèrent de l’armée sudiste.

Pendant quelque temps après la guerre de Sécession, une vraie démocratie se développa dans le Sud, fondée sur les pauvres des campagnes, les anciens esclaves et les Blancs pauvres, qui avaient tous absolument besoin de terres. Ce fut la Reconstruction, une brève période, pendant laquelle la population pauvre constitua ses propres gouvernements, établit des écoles pour les enfants et des cliniques pour une population ravagée par la maladie.

Les statues abattues aujourd’hui n’existaient pas au cours de cette période. En fait, elles furent érigées près de quarante ans après la fin de la guerre. Elles célébraient le règne de la terreur dans le Sud, mettant fin à la Reconstruction et renvoyant les anciens esclaves à des conditions proches de la servitude.

D’anciens généraux confédérés créèrent le Ku Klux Klan, en l’utilisant comme un instrument violent pour revenir sur l’émancipation. La statue de l’un d’entre eux, Edmund Pettus, qui fut l’un de ses dirigeants, fait partie de celles qui sont aujourd’hui abattues.

Toutes ces statues ont été érigées pour dire aux Noirs qu’ils devaient savoir quelle était leur place et y rester. Et pour dire aux Blancs pauvres qu’ils devaient s’estimer chanceux, même s’ils étaient pauvres, de n’être pas noirs. Chacune de ces statues est liée à un bain de sang dans le Sud. Être lynché était le sort de nombreux hommes noirs pendant des générations ; être violée était le sort de nombreuses femmes noires. Avec le Klan, des Blancs pauvres étaient transformés en lâches gardiens de l’ordre ancien ressuscité.

C’est cette histoire violente, que le Klan a imposée à tous ceux qui vivaient dans le Sud, que des hommes comme Trump veulent célébrer et préserver.

Mais il y a une autre histoire à célébrer. La population noire est parvenue non seulement à survivre, mais à s’organiser, à transmettre son histoire d’une génération à l’autre, à passer les connaissances acquises grâce à cette vie solidaire : le fait de dépendre les uns des autres et d’en retirer une force collective. Il y a une force morale immense issue de cette expérience, qui parvient jusqu’à nous aujourd’hui. C’est cette histoire que nous devons tous célébrer, noirs, blancs et immigrés. »

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