Manifester : un droit qui s’impose !03/06/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/06/2705.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Manifester : un droit qui s’impose !

Samedi 30 mai, la Marche annuelle des solidarités, revendiquant la régularisation des sans-papiers, était interdite par la préfecture de police à Paris comme dans plusieurs villes. Mais c’était sans compter avec la volonté des travailleurs sans papiers qui, par milliers, ont courageusement bravé cette interdiction.

L’ampleur de la mobilisation a permis, des foyers de banlieue jusqu’au cœur de Paris, de faire entendre la combativité des travailleurs sans papiers. Le prétexte avancé par le préfet, respect des mesures sanitaire et l’interdiction des rassemblements de plus de 10 personnes, est indécent : les 34 000 travailleurs résidents des foyers sont au contraire bien souvent entassés dans les chambres minuscules par les bailleurs, avec la complicité des pouvoirs publics, sans parler des odieux centres de rétention administrative qui continuent à les enfermer en vue d’expulsion, malgré l’arrêt des vols internationaux.

Les associations et collectifs à l’origine de l’appel ont décidé de maintenir celui-ci, malgré l’interdiction, « avec le port du masque et en respectant la distanciation ». À Paris, deux points de rendez-vous avaient été donnés, à Madeleine et à Opéra. À Montreuil, un cortège de 1 200 manifestants, parti des foyers, s’est élancé par la rue principale en direction de Paris avec enthousiasme et au pas de charge. Les slogans : « Solidarité avec les sans-papiers ! » « Des papiers pour tous ! », résonnaient sous les vivats des passants, à la fois surpris et impressionnés par le nombre et le courage des manifestants. L’organisation de la manifestation était assurée par les travailleurs africains eux-mêmes qui représentaient 95 % du cortège. Tout le monde portait un masque, un service d’ordre écartait les voitures et veillait à ne pas renverser de mobilier ou les poubelles des habitants.

Le cortège, sans voir l’ombre d’un policier, a ainsi franchi la porte de Montreuil et pénétré dans Paris. Après la place de la Nation, les CRS formaient un barrage sur le boulevard Voltaire pour empêcher la progression, sans toutefois venir au contact. Des lacrymogènes ont été envoyés sur la tête du cortège, figé à une centaine de mètres, sans parvenir à disperser les manifestants. Au bout d’une heure de statu quo, ceux-ci choisissaient de revenir à Montreuil, toujours avec le même dynamisme. La manifestation s’est conclue par un rassemblement avec des prises de parole sur la grande place de la Mairie.

C’est aussi le nombre important de manifestants qui a empêché police et gendarmerie de disperser la manifestation principale. Si les policiers dès 14 heures contrôlaient place de la Madeleine ceux qui ressemblaient à des sans-papiers, ils n’ont pas pu empêcher la formation d’un cortège d’un millier de sans-papiers parti rejoindre l’autre rassemblement à Opéra. Là encore, malgré le gazage, les matraques et les interpellations par les troupes du préfet, plusieurs milliers de personnes arrivant des rues adjacentes, ont imposé le départ de la manifestation qui a emprunté le parcours refusé deux jours plus tôt. Un autre cortège venu d’Ivry l’a aussi rejoint. À l’arrivée du cortège, la place de la République était bien animée. S’il n’y a pas eu d’affrontement direct avec la police, 92 personnes ont été interpellées, mais la quasi-totalité ont été relâchées dans les heures qui ont suivi.

Ce sont donc près de 10 000 travailleurs, les plus dénués de droits ou de protection, qui ont les premiers bravé l’interdiction de manifester. Ils dénonçaient aussi la dégradation des conditions de vie et de travail, liée à la crise sanitaire, et surtout à la crise économique qui frappe de plein fouet nombre d’entre eux. Des manifestations semblables ont aussi eu lieu dans bien d’autres villes, et c’est le produit d’une mobilisation importante opérée à partir des foyers de résidents. C’est un exemple pour tous les travailleurs. Comme le disait un manifestant : « Je nai plus peur de rien. Il faut relever la tête ! »

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