Chloroquine : polémique révélatrice25/03/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/03/2695.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

La société en crise

Chloroquine : polémique révélatrice

Au-delà de la recherche d’un vaccin, une polémique féroce s’est développée au sujet de l’utilisation contre le Covid-19 de médicaments anciens comme la chloroquine, un médicament largement utilisé contre le paludisme et des maladies rhumatismales et dont les effets secondaires sont bien connus, notamment dans le domaine cardiaque.

À l’annonce par le professeur Raoult de Marseille qu’il avait traité 24 patients avec la chloroquine et obtenu des résultats chez 75 % d’entre eux, Trump s’appuyant sur des résultats similaires aux États-Unis s’est fait le défenseur de ce médicament. Il a fait pression sur les autorités de santé américaines (la FDA) pour l’autoriser chez les malades. Il a déjà obtenu que des industriels acceptent de donner gratuitement la chloroquine à des médecins et des hôpitaux. Pour le moment la FDA s’y est refusée, demandant un essai avec plus de malades et en comparaison avec un groupe placebo, ce qui est le minimum pour un essai clinique scientifique. L’OMS a adopté la même attitude refusant, sans nommer la chloroquine, l’utilisation de médicaments dans des indications nouvelles sans des preuves basées sur de telles études scientifiques.

En France, le ministre de la Santé a annoncé samedi 21 mars que ce traitement allait être expérimenté à l’échelle européenne dans au moins sept pays. L’essai nommé Discovery concernera 3 200 patients en Europe, dont 800 en France, et comparera quatre traitements, dont la chloroquine, en association avec un antibiotique bien connu lui aussi pour les infections respiratoires, l’azithromycine. Les résultats sont attendus dans deux semaines.

Devant la montée de la polémique et le soutien apporté au professeur Raoult par plusieurs de ses confrères, chefs de service en infectiologie ou urgentistes connus, le ministre de la Santé a annoncé le 23 mars que la chloroquine pourrait être proposée à l’hôpital dans des conditions de surveillance optimales à des malades gravement atteints. Pour certains médecins, c’est largement insuffisant et il faudrait prescrire les deux médicaments bien plus largement, invoquant qu’à situation exceptionnelle il faut utiliser des moyens exceptionnels sans attendre les résultats des études. Certains d’ailleurs déclarent déjà utiliser la chloroquine sans attendre.

Pour d’autres urgentistes et infectiologues, c’est la position de l’OMS qui doit être recommandée et la prudence doit rester de mise avant toute confirmation scientifique de l’efficacité de la chloroquine. Devant cette polémique médiatique et médicale sur ce produit supposé miracle, le risque est déjà là, que dénoncent des médecins généralistes, de voir les demandes d’ordonnance de chloroquine exploser. La prudence élémentaire serait donc, avant le résultat des études cliniques, de réserver ce traitement aux hôpitaux. Mais pour empêcher un « rush » sur la chloroquine, il a déjà fallu en interdire la vente dans les pharmacies depuis le 19 mars, pour éviter qu’elle ne soit utilisée en automédication, remède qui pourrait être pire que le mal.

Et immédiatement on a vu sur les réseaux sociaux des vidéos protestant contre ce retrait de la vente avec des relents de « complotisme », accusant des décideurs qui ne veulent pas d’un médicament censé être efficace mais qui ne coûte que quelques centimes d’euros le comprimé.

L’avenir dira si la chloroquine est le médicament qui permettrait de traiter les formes graves ou même bénignes de la maladie ou si ce sera une autre molécule de l’étude Discovery. Mais ce sont les résultats et les faits scientifiquement démontrés qui doivent permettre de choisir.

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