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Safran – Gennevilliers : l’impasse du patriotisme économique
Safran Aircraft Engines (SAE, ex-Snecma), constructeur de moteurs pour l’aéronautique, en particulier le moteur LEAP successeur du moteur CFM 56, a depuis des années délocalisé une partie de ses fabrications vers le Mexique, et plus récemment vers la Chine, la Pologne ou l’Inde.
En 1996 la Snecma, ancêtre de la SAE, avait décidé sa première implantation à Chihuahua, au Mexique, pour sa production de câblage aéronautique. Les installations se sont poursuivies au Mexique en particulier à Tijuana et surtout Queretaro, au point que Safran affirme être le premier employeur (plus de 6 000 travailleurs) et le premier investisseur (plus d’un milliard d’euros en dix ans) de l’industrie aéronautique mexicaine.
Le PDG, Philippe Petitcolin, revendique ainsi ce choix : « Un des intérêts de cette opération, c’est de réduire le coût moyen de production des aubes (ailettes de réacteur) de l’ordre de 20 % à 30 % sur la part de la main-d’œuvre ». Les ouvriers mexicains sont payés environ 5 dollars l’heure, charges comprises, c’est-à-dire trois à quatre fois moins qu’un ouvrier de Gennevilliers.
C’est dans ce contexte que SAE a annoncé en décembre 2019 la suppression de 120 postes à l’usine de Gennevilliers et la délocalisation d’une partie de la production vers Queretaro. Elle invoque des décisions liées à la crise du Boeing 737 Max, dont les vols ont été suspendus suite à deux crashs consécutifs. À Villaroche et Corbeil, deux autres sites de SAE, des suppressions de postes sont aussi annoncées.
Les travailleurs s’inquiètent à juste titre de voir ce qu’il en sera de leur emploi et de leurs conditions de travail. Mais lorsque, récemment, la députée PCF de Gennevilliers, Elsa Faucillon, a posé une question au gouvernement, elle a dénoncé « le départ de machines, la perte d’un savoir-faire industriel unique pour la Forge, la Fonderie, l’Usinage acquis depuis 50 ans, faisant la réputation mondiale de l’entreprise ». Quant au syndicat FO Safran de Gennevilliers, il s’est insurgé dans un tract contre la « diminution du Leap 1A (moteur Airbus) de 40 % (…) programmée au profit de la Chine». Ce patriotisme économique est une impasse pour les travailleurs. Il aboutit à les diviser, et à stigmatiser les ouvriers des pays pauvres. De la conception jusqu’à la réalisation, les moteurs d’avion sont depuis des décennies le fruit de coopérations internationales. Ce n’est pas cela qui pose problème, c’est la recherche effrénée du profit de la part des capitalistes de l’industrie aéronautique. Pour les travailleurs, les ennemis sont les gros actionnaires qui se gavent de profits boursiers.
L’action Safran s’envole : en deux ans 3, 8 milliards d’euros de dividendes ont été accordés aux actionnaires. Safran enregistre 27 % d’augmentation de son chiffre d’affaires. Les carnets de commandes débordent pour les dix ans à venir. Qui plus est, SAE a profité de 13 millions de CICE en 2017, de 39 millions en 2014, un CICE censé être versé pour maintenir les emplois. Au contraire, SAE en a profité pour licencier des dizaines d’intérimaires. La direction prétend maintenant utiliser à sa discrétion les RTT. À terme ce sont des centaines d’emplois de sous-traitants qui sont eux aussi menacés.
C’est contre ces actionnaires que doit s’orienter la colère des travailleurs de SAE. Et il est hors de question qu’ils fassent les frais de ces attaques, qui s’inscrivent dans une volonté affichée d’arracher toujours plus de gains de productivité , sur le dos de tous les travailleurs, qu’ils soient français, mexicains, indiens ou chinois.