Cameroun : l’héritage du colonialisme12/02/20202020Journal/medias/journalnumero/images/2020/02/2689.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Cameroun : l’héritage du colonialisme

Au Cameroun, le 9 février, c’est dans un climat de peur que se sont déroulées dans les régions anglophones les élections législatives et municipales.

La population y est prise en étau depuis quatre ans entre l’armée camerounaise et les mouvements séparatistes qui y multiplient les exactions. Pour ces élections, ces mouvements avaient menacé de représailles ceux qui iraient voter, tandis que l’armée patrouillait en force dans les rues.

Le conflit, qui a déjà fait plusieurs milliers de morts et obligé 530 000 personnes à s’enfuir de chez elles, est un héritage de la période coloniale, en même temps que le fruit de la dictature mise en place par la France à l’indépendance.

Dans le partage de l’Afrique entre les puissances européennes, le Cameroun était échu à l’Allemagne. À la fin du premier conflit impérialiste mondial, les vainqueurs, la France et la Grande-Bretagne, se partagèrent ce territoire, sous couvert d’un mandat de la Société des nations, cet organisme que Lénine qualifiait de caverne de brigands impérialistes. Un cinquième du pays, proche de la colonie anglaise du Nigeria, échut à la Grande-Bretagne. Le reste, jouxtant le Gabon et le Congo Brazzaville, revint à la France. Après la Deuxième Guerre mondiale, ce partage se perpétua sous l’égide de l’ONU, la nouvelle caverne de brigands impérialistes, jusqu’à l’indépendance en 1960. Une partie de la zone anglophone choisit alors de rejoindre le Cameroun demeuré francophone, avec la garantie que le bilinguisme et la culture propre à la région seraient respectés. Mais le régime mis en place au Cameroun par la France s’avéra dès le début une dictature sanglante dans l’ensemble du pays. L’opposition à cette dictature, dans la partie anglophone, s’exprima par la demande de voir certaines de ses particularités respectées.

Le président Paul Biya, grand ami de la France, répondit à ces revendications par la répression, comme il le faisait pour toute forme de contestation. Il ne s’agissait pourtant alors que de paisibles manifestations de juristes réclamant la traduction des textes de loi en anglais et d’enseignants dénonçant la francisation de l’enseignement. Cette répression ne fit que pousser au développement de mouvements séparatistes et de groupes armés réclamant l’indépendance des régions anglophones sous le nom d’Ambazonie.

Ces groupes, pour forcer la population de ces provinces à les soutenir, adoptèrent d’emblée envers celle-ci une politique terroriste. Ils exigèrent la fermeture des écoles et incendièrent celles qui tentaient de rester ouvertes. La majorité des enfants ne sont ainsi plus scolarisés depuis deux ou trois ans.

Dans le lourd bilan du conflit, il est totalement impossible de séparer ce qui revient aux exactions de l’armée camerounaise et ce dont se sont rendus coupables les groupes armés indépendantistes. En deux ans, 170 villages ont été détruits. Outre toutes celles qui se sont enfuies dans d’autres régions du Cameroun, 35 000 personnes se sont réfugiées au Nigeria voisin. À cela s’ajoute la naissance de milices dites d’autodéfense, suscitées par l’armée camerounaise, qui se livrent pour leur propre compte au racket et au pillage.

En exerçant sur la population la même violence que les militaires de Biya, les mouvements séparatistes se comportent en simples concurrents du régime, voulant mettre la main sur les richesses de la région et exploiter ses habitants. Les travailleurs camerounais, qu’ils soient anglophones ou francophones, devront s’en débarrasser, comme de la dictature régnante et de l’impérialisme français qui la soutient.

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