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Sommet sur le Sahel : Macron comme au temps des colonies
Emmanuel Macron avait convoqué lundi 13 janvier à Pau les chefs d’État des cinq pays africains membres du G5 Sahel. Convoqué est bien le mot, et la conférence de presse tenue à l’issue de ce sommet a confirmé qu’ils n’étaient là que pour approuver les propos du chef de l’impérialisme français.
L’objectif du sommet était d’obtenir de ces cinq chefs d’État la confirmation qu’ils souhaitent la poursuite de l’engagement militaire de la France au Sahel, alors que monte dans la population un sentiment antifrançais. Des actions de protestation contre la présence française et celle des troupes de l’ONU ont lieu au Mali, en particulier depuis l’attaque en octobre de camps militaires par les djihadistes, qui a causé la mort de dizaines de victimes. Vendredi 10 janvier une manifestation s’est déroulée à Bamako devant le monument de l’Indépendance, pour réclamer le départ des troupes militaires étrangères. On pouvait y voir des députés du parti au pouvoir comme de l’opposition.
Lors de la conférence de presse à Pau, alors qu’un journaliste lui posait la question des résultats de l’intervention française, Macron a répondu avec sa morgue habituelle : « J’entends beaucoup de gens qui disent tout et n’importe quoi. Demandez-vous qui servent de tels discours, par qui sont payés les gens qui les tiennent ? Soit ils servent les intérêts des terroristes, soit d’autres puissances qui veulent que la France s’éloigne, et qui ont un autre agenda, un agenda de mercenaires. » La population qui vit dans la plus totale insécurité devrait ainsi accepter de se faire traiter d’agent des terroristes si elle exprime le moindre doute ! Quant aux chefs d’État africains, sommés de s’exécuter, ils n’avaient plus qu’à se plier sans un mot aux ordres du maître qui ne voulait voir qu’une seule tête. C’est cela la « souveraineté nationale » que les troupes françaises sont censées défendre.
L’intervention militaire française au Sahel s’enlise chaque jour davantage, comme vient encore de le prouver la mort de 89 soldats nigériens. Un nouveau dispositif militaire a été rendu public, censé arrêter cette descente aux enfers. Les troupes seront concentrées sur la zone dite des trois frontières, entre Mali, Burkina et Niger, où se sont déroulées les dernières attaques djihadistes. Des officiers français seront intégrés aux forces armées des différents pays, ce qui veut dire qu’ils les dirigeront sur le terrain. 220 soldats français de plus seraient envoyés et un nouvel appel a été fait à des alliés européens. Bien peu soucieux de s’engager dans cette galère pour défendre une chasse gardée de l’impérialisme français, ceux-ci se contentent pour l’instant d’y envoyer du matériel. Enfin, les États-Unis ont été priés de ne pas se désengager d’Afrique. L’État français n’étant quand même qu’un impérialisme de second ordre, il ne peut se passer de l’aide du grand frère américain, notamment en matière de renseignement.
Mais, si le problème n’était que militaire, cela se saurait. Depuis 2013 et l’opération Serval, puis l’opération Barkhane, on constate toujours la même impuissance. Le terreau du terrorisme, c’est d’abord la corruption et la faillite des États, dans ces pays où la domination impérialiste entretient une misère générale. L’intervention française ne risque pas d’y remédier, bien au contraire, car l’impérialisme a justement besoin de ces États pour continuer à piller ses anciennes colonies.
Il y a quelques semaines, Emmanuel Macron s’indignait que l’on puisse qualifier l’armée française d’armée coloniale. Ce sommet où il a convoqué les dirigeants de cinq pays du Sahel pour leur faire signer une déclaration rédigée à Paris montre bien que c’est la réalité.