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Argentine : l’économie au bord de la faillite
Le nouveau président argentin, Alberto Fernandez, a pris ses fonctions le 10 décembre. Avant les fêtes, il a fait adopter un plan d’urgence, d’autant plus urgent que l’économie est asphyxiée par le poids de la dette et la dîme qu’elle doit payer aux marchés financiers.
Le précédent président, Mauricio Macri, a contracté auprès de divers établissements financiers, dont le Fonds monétaire international, une lourde dette de 330 milliards de dollars, soit 297 milliards d’euros, équivalant à 90 % du produit intérieur brut, dont 44 milliards sont dus au FMI. Pour essayer d’y faire face, Macri avait lancé un plan d’austérité frappant les classes populaires. Le chômage a explosé et l’inflation a dévoré les salaires.
Le choix du nouveau président péroniste est de stimuler la consommation et d’augmenter un peu les revenus populaires, dans l’espoir de relancer la croissance. La loi d’urgence prévoit d’imposer un peu plus le patrimoine des plus aisés. L’achat de devises étrangères – un sport national, quand l’Argentine est en crise, pour compenser la chute de la valeur du peso – sera taxé à 30 %. Il en sera de même pour les paiements et retraits faits à l’étranger avec une carte bancaire. Ce nouvel impôt, baptisé « Pais » (pays), voudrait freiner la fuite des capitaux. Il s’agit de renforcer le contrôle des changes mis en place par Macri en septembre, qui limitait les achats de devises à 200 dollars (180 euros) par personne et par mois.
L’argent de l’impôt Pais devrait servir a financer des programmes sociaux. Des primes vont être accordées aux retraités et aux familles modestes. Sur les 44 millions d’Argentins, deux millions devraient bénéficier de bons alimentaires. Mais Fernandez a aussi suspendu pendant six mois l’indexation des retraites sur l’inflation, une mesure qui ne peut que frapper les retraités populaires. Un des acquis de Cristina Kirchner, présidente de 2007 à 2015 et aujourd’hui vice-présidente de Fernandez, avait été de mettre en place des retraites, faibles mais régulièrement payées. La mesure de Fernandez va en sens inverse. Il est aussi question de changer le mode de calcul des retraites, qui pourraient n’augmenter que par décret.
La crise ayant eu des effets dévastateurs pour l’activité industrielle, le gouvernement prévoit des aides pour les entreprises, avec des baisses de charges et un rééchelonnement des dettes. En revanche le secteur agricole, celui de la bourgeoisie argentine qui a fait sa fortune hier sur le bétail, aujourd’hui sur le soja, reste très prospère du fait de ses liens avec le secteur agro-alimentaire mondial. Le plan prévoit de taxer de trois points supplémentaires les exportations de soja, de blé et de maïs. Mais il faut rappeler qu’en son temps Cristina Kirchner avait affronté la colère de ce secteur patronal et avait dû renoncer à le taxer.
Pour ce qui est de la dette laissée par Macri, le gouvernement vient d’obtenir du Congrès un report du paiement de 9 milliards de bons du Trésor, immédiatement sanctionné par une dégradation de la note de l’Argentine. Interrogé à ce sujet, Fernandez a admis que le pays était en défaut de paiement virtuel. On n’est pas très loin de la situation du krach de 2001 : « À l’époque le taux de pauvreté avait atteint 57 %, or nous en sommes à 41 % », a ajouté Fernandez.
Quant aux travailleurs, le président a annoncé qu’il s’oppose à augmenter leurs salaires. Au cours de l’année écoulée, le change du dollar par rapport au peso a augmenté de 63 %, tandis que les salaires n’augmentaient en moyenne que de 20 %. Le salaire réel a donc fortement baissé. Le nouveau gouvernement aimerait maintenir cet héritage de la présidence Macri et, pour cela, le soutien de la bureaucratie syndicale lui est acquis. À l’inverse, les travailleurs ne peuvent accepter de payer ainsi pour la crise.