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Dans les entreprises
ArcelorMittal Dunkerque : une fin d’année contestataire
Depuis le début décembre, beaucoup de sidérurgistes, sur les plus de 2 500 que compte l’usine ArcelorMittal Dunkerque, ont participé aux journées de mobilisation contre la réforme des retraites. Le report programmé de l’âge de départ est ressenti comme une ignominie, car déjà aujourd’hui, un travailleur sur deux de l’usine ne profite d’aucune retraite, l’espérance de vie étant pour eux, selon la mutuelle Malakoff Médéric, en moyenne de 64 ans.
Le travail posté, l’enchaînement des postes en feux continus, les fumées toxiques respirées en permanence, tout cela entraîne de nombreuses maladies professionnelles. Alors pour beaucoup dans l’usine, faire grève les 5 et 17 décembre, ou tout du moins aller à la manifestation de Dunkerque, était une évidence. Dans certains secteurs de l’usine, il a suffi d’une affiche dans la salle de pause pour que toute l’équipe le décide, un peu comme cela avait été le cas au moment de la mobilisation des gilets jaunes.
Depuis début décembre, c’est également la question des salaires qui a mobilisé dans toute l’usine, à l’occasion des négociations annuelles obligatoires (NAO). L’annonce d’une augmentation des salaires de 0,7 % le 1er avril 2020 a été vécue comme une provocation.
Les débrayages ont commencé le 6 décembre à l’initiative des militants de la CGT. Les secteurs de l’usine les plus habitués à se mobiliser ont commencé, notamment l’Affinage. Puis les débrayages se sont étendus sur l’ensemble du site : aux Hauts-fourneaux, à la Cokerie, puis à l’Aciérie, dans les cinq équipes, plusieurs heures par poste, pendant quatorze jours. La direction a bien essayé de passer outre, mais cela n’a pas fonctionné. Elle a tenté de remplacer les grévistes par des chefs d’équipe, mais dans certains secteurs, ces derniers ont refusé et se sont mis en grève à leur tour. À la Cokerie, la direction a utilisé un ordre de réquisition du préfet en prétextant la dangerosité des installations pour interdire la grève, mais cela n’a pas empêché les multiples arrêts de travail. Un peu partout, il y a eu les pressions individuelles et les menaces sur l’avancement de carrière, mais cela ne fonctionne plus car, de l’avancement, il n’y en a quasiment plus depuis bien longtemps pour une grande majorité des travailleurs. La production a donc été fortement perturbée. Certains jours les trains transportant les bobines d’acier sont partis quasiment vides.
Si les salaires ont été le déclencheur de la contestation, c’est aussi une succession de problèmes dans l’usine qui est à l’origine de la colère. Ainsi en novembre, la direction a obligé les salariés à prendre le maximum de congés en fin d’année. Pour elle, dans cette entreprise très riche, c’était aux travailleurs de payer la baisse – réelle ou inventée – de la production.
Mais il y a aussi la dangerosité du site en raison du manque d’investissements dans les installations. Plusieurs secteurs sont dans un état déplorable. L’an passé un toit est tombé à l’Aciérie. Cette année une bande transporteuse s’est effondrée et un incendie important s’est déclenché aux Hauts-fourneaux. À l’Aciérie, il y a quelques semaines, la poutre d’un pont soulevant des charges de plusieurs tonnes s’est fissurée. Mais la direction s’en moque, tant que l’usine produit, peu importe dans quelles conditions, peu importent les risques qu’elle fait prendre aux travailleurs.
Au mois de juin, un ouvrier travaillant sur un chantier de l’Aciérie est mort de la chute d’une pièce d’échafaudage sur la tête. Cette tragédie vient après beaucoup d’autres et le discours habituel de la direction révolte, qui consiste à dire que le métier de sidérurgiste est un métier dangereux. Mais c’est bien la course au profit du groupe qui le rend ainsi. Tous les travailleurs de l’usine sont en permanence témoins d’incidents qui pourraient être très graves. Souvent, ils n’ont pas de conséquences, mais cela peut aussi se terminer par un drame comme pour ce travailleur de l’Aciérie.
C’est donc une addition de colères qui s’est exprimée tout au long du mois de décembre. Rien n’est réglé car la direction veut jouer le bras de fer en annonçant des mesures qui sonnent comme une provocation : les salaires qui ne seront réévalués qu’à hauteur de l’évolution du smic, c’est-à-dire de 16 euros ; une baisse importante de certaines primes ; une baisse de 20 % des budgets de maintenance dans l’usine à partir de janvier. De plus, tous les travailleurs ayant participé aux débrayages sont convoqués un par un par les responsables de secteur pour s’expliquer sur leur participation aux grèves.
Les menaces patronales n’ont pas empêché ces débrayages importants, comme il n’y en avait pas eu depuis des années dans l’usine. La solidarité entre les travailleurs s’est renforcée. Cela comptera pour les combats à venir, à commencer par la prochaine journée de mobilisation contre la réforme des retraites le 9 janvier.