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- Lutte ouvrière n°2680
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Le 5 décembre et la suite
Le 5 décembre : massivement dans la rue
Jeudi 5 décembre, près d’un million de manifestants ont battu le pavé des grandes métropoles comme des petites villes. Aux côtés des cheminots, des enseignants, des travailleurs du secteur de la santé, d’EDF ou de la fonction publique, de nombreux travailleurs du privé étaient aussi en grève pour rejeter la réforme qui promet aux retraités une même égalité dans la misère.
25 000 à Marseille, à Lyon, à Bordeaux ou Toulouse, 20 000 à Nantes, 15 000 à Rouen, 4 000 à Auxerre, 1 000 à Vesoul, plus de 4 000 à Beauvais : les chiffres soulignent une mobilisation massive dans tout le pays. À Paris, c’est peut-être jusqu’à 250 000 manifestants qui se sont retrouvés. Le cortège était si nombreux que des manifestants n’ont pas pu décoller du point de départ, où ils ont passé des heures statiques, mais animées par les slogans et les discussions.
À Lyon, on remarquait la présence massive des cheminots et des enseignants, mais aussi de travailleurs d’EDF et des hôpitaux. Des délégations plus ou moins importantes de travailleurs des entreprises privées s’y étaient associées. Dans le privé, la grève a été bien suivie à l’usine Renault Trucks.
À Limoges aussi, la manifestation a regroupé des milliers de personnes. Elle a attiré des travailleurs peu habitués à manifester, venus en famille ou entre amis et collègues, exprimant leur colère contre la réforme des retraites mais aussi, plus généralement, contre le mépris de ce gouvernement à l’égard du monde du travail. Parmi les enseignants, très nombreux dans le cortège, beaucoup de jeunes stagiaires et de précaires, auxiliaires d’éducation ou professeurs contractuels, étaient présents. Dans plusieurs entreprises de la région, la grève a été suivie : chez Legrand, la production était quasiment à l’arrêt, tandis que près de 60 % des ouvriers de Madrange étaient en grève. Le lendemain, 1 000 manifestants se sont retrouvés, parmi lesquels quelques travailleurs du privé encore en grève. Tous commentaient avec enthousiasme le succès de la veille et discutaient de comment continuer la semaine suivante.
À Nantes, les pompiers en tenue et toutes sirènes hurlantes ouvraient le cortège. Des travailleurs d’Airbus, de la BN, d’Applix et d’autres entreprises privées plus petites étaient regroupés derrière leurs banderoles. Dans la ville voisine de Saint-Nazaire, une bonne partie de l’imposant cortège de 10 000 manifestants provenait des entreprises privées de la région. Plusieurs centaines de travailleurs des Chantiers navals ont arrêté le travail. Certains des secteurs les plus exploités des Chantiers, à l’entretien, au ménage ou à la cantine, étaient bien représentés dans la grève et dans la manifestation, de même que les ouvriers du secteur aéronautique, d’Airbus comme de sa filiale Stellia.
À Bayonne, la manifestation de 10 500 personnes rappelait les cortèges du mouvement de 1995. Des grévistes de Pôle emploi racontaient que tout leur service était en grève, non seulement contre la réforme des retraites mais contre celle du chômage, qui réduit encore les conditions et le taux d’indemnisation de centaines de milliers de travailleurs précaires.
À Compiègne, le gros du cortège de 3 000 manifestants était composé de travailleurs des entreprises privées de la ville. Sur les 700 salariés du centre d’appels WebHelp, 150 étaient en grève, dont plusieurs dizaines étaient dans la manifestation. Parmi eux, un petit groupe s’est rendu à l’assemblée générale organisée par les enseignants à la Maison des syndicats, voulant discuter de la continuation du mouvement.
Dans beaucoup de villes, cette participation de travailleurs d’entreprises privées était perçue comme un encouragement par les cheminots, nombreux à dire que tout le monde doit s’y mettre contre les retraites. À Cholet ou Bourges, c’est la présence d’ouvriers de Michelin qui était saluée, tandis qu’à Chambéry on notait la mobilisation de dizaines de travailleurs d’entreprises de la chimie ou de la métallurgie, comme Trimet Saint-Jean-de-Maurienne, mais aussi celle de travailleurs embauchés et saisonniers du syndicat des remontées mécaniques.
Cette démonstration de force massive, qui a touché près de 250 villes, a donné le sourire – et le moral ! – aux grévistes et aux manifestants. Dans les assemblées générales de grévistes cheminots ou enseignants, et parfois dans des réunions de ville plus larges, c’est la question de l’approfondissement et de l’élargissement du mouvement qui était à l’ordre du jour.