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Leur société
Les travailleurs doivent diriger eux-mêmes leurs luttes
Lundi 25 et mardi 26 novembre, les dirigeants des principales centrales syndicales ont été reçus à Matignon. À une semaine de la journée de grève interprofessionnelle du 5 décembre, le gouvernement cherche à fissurer le front syndical qui s’est constitué contre son projet de réforme des retraites. Avec peu de succès pour le moment.
Au contraire, le nombre d’organisations appelant à participer au 5 décembre s’est encore accru, avec notamment le ralliement de la CFE-CGC. Même des syndicats de police, dont Alliance et l’UNSA, ont menacé de se joindre au mouvement, si le ministère de l’Intérieur « ne répond pas à leurs attentes ».
La CFDT-Cheminots s’est finalement décidée jeudi 21 novembre à déposer elle aussi un préavis de grève reconductible à partir du 5 décembre. Mais Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, a tenu à préciser que cela ne constituait pas un appel à faire grève : « Non, les militants CFDT-Cheminots ne seront pas forcément dans la rue, a-t-il déclaré dimanche 24 novembre, ils ont déposé un préavis pour dire au gouvernement : maintenant, est-ce qu’on peut discuter ? »
De son côté en revanche, la CGT se dit clairement opposée à la réforme du gouvernement. Interviewé dimanche 24 novembre, Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, a déclaré : « Nous appelons à reconduire le mouvement après le 5 décembre et ce sont les salariés, dans des assemblées générales, qui décideront s’ils veulent la reconduire, ou pas. Nous, nous appelons à ce que cette mobilisation puisse durer (...) jusqu’à ce que le gouvernement retire son mauvais projet. » Et de conclure : « Il faut qu’il y ait partout dans le pays des grèves massives. »
Un tel discours est assez récent dans la bouche de Martinez. Pendant des semaines, il s’est contenté d’appeler le 5 décembre à une journée d’action classique. La combativité qui s’est manifestée à la RATP le 13 septembre et à la SNCF, avec des mouvements partis de la base, ainsi que la montée du mécontentement parmi les travailleurs l’ont conduit à durcir son discours. Les dirigeants de la CGT ne veulent pas prendre le risque d’être dépassés par le mouvement de protestation. Aussi placent-ils leurs digues loin en avant de celui-ci.
Les travailleurs ne pourront faire reculer le gouvernement qu’en faisant grève massivement et avec détermination. C’est la seule façon de se faire craindre du grand patronat. Mais contribuer à développer et à organiser un tel mouvement n’entre pas du tout dans les intentions des dirigeants syndicaux. Au contraire, les attitudes de Martinez et Berger traduisent, chacune à sa manière, la préoccupation des bureaucraties syndicales de rester en situation de contrôler les mobilisations des travailleurs, non pour les renforcer, mais pour pouvoir décider elles-mêmes quand et comment y mettre fin. C’est ce rôle de pompier capable d’éteindre les incendies sociaux qui justifie leur existence aux yeux de la bourgeoisie et de ses représentants politiques.
Bien des travailleurs se méfient aujourd’hui des directions syndicales, conscients, dans une certaine mesure, du fait qu’elles ne représentent pas leurs intérêts. C’est une méfiance justifiée, d’autant plus que la journée du 5 décembre est susceptible, et c’est souhaitable, de déboucher sur des mouvements de plus longue durée. Face à ceux-ci, toutes les manœuvres de division des bureaucraties syndicales pourront se déployer, et les travailleurs doivent se donner les moyens d’y faire face. Pour cela ils devront contrôler leurs mouvements, non seulement en en décidant à travers leurs assemblées générales, mais en élisant des comités de grève, constitués de délégués soumis au contrôle de ces assemblées, révocables à tout moment et qui seront chargés d’exécuter les décisions prises.
Se donner ainsi les moyens de mettre en œuvre une démocratie ouvrière réelle et vivante est la seule façon de permettre à la mobilisation d’aller le plus loin possible, sans autre limite que celle que les travailleurs eux-mêmes lui fixeront.