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- Lutte ouvrière n°2674
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Grande-Bretagne : trente-neuf victimes d’une politique criminelle
La découverte, le 23 octobre, des corps de 39 migrants vietnamiens dans une remorque stationnée à Gray, dans la grande banlieue sud-est de Londres, a profondément choqué l’opinion.
À tel point que Boris Johnson s’est senti obligé de leur rendre hommage devant les caméras de la télévision. Une belle hypocrisie de la part d’un dirigeant politique qui, depuis 2016, s’est fait le porte-voix de la surenchère anti-immigrés qui sous-tend le Brexit !
D’ailleurs, les bonnes paroles de Johnson ne l’ont pas empêché, tout comme la quasi-totalité de la classe politique, d’entonner le vieux refrain éculé que tout ce beau monde ressort en pareille circonstance. La ministre de l’Intérieur, Priti Patel, a donné le ton en annonçant un nouveau renforcement des contrôles aux frontières, sous prétexte de lutter contre les « réseaux de trafiquants ». Et la presse de laisser entendre que ces migrants n’étaient « quand même pas parmi les plus pauvres », compte tenu des sommes qu’ils auraient versées aux passeurs. Ils ont pourtant risqué leur peau en toute connaissance de cause, ce qui en dit long sur la misère à laquelle ils cherchaient à échapper.
En fait, depuis le 18 juin 2000, date à laquelle 58 migrants chinois ont été retrouvés morts dans un camion, à Douvres, la Grande-Bretagne est devenue l’un des pays d’Europe dont les frontières sont les plus surveillées. Les « trafiquants », eux, n’ont eu qu’à changer leurs habitudes pour continuer leurs activités. C’est ce que révéla la mort au travail, le 5 février 2004, de 23 ouvriers clandestins chinois employés au ramassage des coques sur les plages de Morecambe, dans l’ouest de l’Angleterre. Blair, Premier ministre travailliste de l’époque, fit adopter des lois plus répressives, mais dans les faits, rien ne changea.
Il en a été ainsi pendant les deux décennies suivantes, sous les travaillistes comme sous les conservateurs. Sauf qu’après la crise de 2008 et le retour des conservateurs au pouvoir en 2010, ceux-ci choisirent de se servir des immigrés comme de boucs émissaires. Pour détourner l’attention des cadeaux astronomiques de l’État à la bourgeoisie, ils accusèrent les travailleurs étrangers d’être responsables de l’aggravation de la pauvreté, de la détérioration des services publics et de la crise du logement.
Dans la logique de cette surenchère, ils multiplièrent les mesures traitant les travailleurs immigrés comme des criminels, jusqu’à produire en 2015 un ensemble de dispositions dont la ministre de l’Intérieur d’alors, Theresa May, expliqua elle-même qu’elles étaient destinées à créer un « environnement hostile » pour les travailleurs étrangers. Mais « hostile » était un euphémisme : faute de pouvoir produire tous les papiers demandés pour prouver leur identité et leur droit de résidence, des dizaines de milliers de personnes furent licenciées, expulsées de leur logement, privées de soins hospitaliers, enfermées dans des centres de détention et finalement expulsées. La plupart étaient âgées et n’avaient jamais remis les pieds dans les anciennes colonies britanniques de la Caraïbe ou d’Afrique, d’où elles étaient venues en Angleterre des décennies auparavant !
Le même « environnement hostile » servit contre les demandeurs d’asile, juste au moment où arrivaient en Europe les vagues de réfugiés venus de pays en guerre d’Afrique et du Moyen-Orient. Tout fut mis en œuvre pour rendre la vie insupportable aux « demandeurs d’asile » pour qu’ils renoncent d’eux-mêmes au droit d’asile.
Quant aux « réseaux de trafiquants », nul ne sait vraiment s’ils ont été inquiétés depuis 20 ans. La police est des plus discrètes à cet égard.
Mais surtout, ces réseaux n’existeraient évidemment pas si les gouvernements britanniques successifs n’avaient pas privé peu à peu les migrants de tout moyen légal de rentrer dans le pays !
Alors si les trafiquants ont sans doute du sang sur les mains, que dire des politiciens et des gouvernements à qui ils doivent de pouvoir poursuivre leurs activités criminelles ? Et que dire d’un système capitaliste dans lequel la survivance de frontières nationales anachroniques continue à constituer un carcan meurtrier pour les peuples ?