Irak : révolte contre une situation insupportable09/10/20192019Journal/medias/journalnumero/images/2019/10/2671.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irak : révolte contre une situation insupportable

Depuis le mardi 1er octobre, des milliers d’Irakiens manifestent chaque jour à Bagdad, la capitale, mais aussi dans de nombreuses autres villes comme Nassiriya, Diwaniyah, ou encore Bassora et Nadjaf, villes situées au sud de l’Irak. La répression très violente a déjà fait 100 morts, et plus de 4 000 blessés.

L’armée a envoyé un communiqué reconnaissant un usage excessif de la force. C’est peu dire. À Sadr City, le grand quartier populaire de la capitale, des vidéos ont montré des manifestants qui se mettent à couvert sous des rafales ininterrompues de tirs, parfois à l’arme lourde. Majoritairement des jeunes, ils réclament des services publics qui fonctionnent, des emplois, en particulier pour les jeunes – un jeune sur quatre se retrouve au chômage – et la fin de la corruption qui en seize ans a englouti quatre fois le budget de l’État.

C’est aussi l’exigence du départ du gouvernement d’Abdel Mahdi, entré en fonction il y a un an, qui se fait entendre. « Le peuple veut un changement de régime », « Rendez-nous notre patrie ! », « Au nom de la religion, les voleurs nous ont pillés », scandaient des manifestants.

Le gouvernement a annoncé dimanche 6 octobre une série de mesures sociales, mais ces engagements oraux ont peu de chances de calmer la colère qui s’exprime dans la rue, tant la classe politique est discréditée.

Les classes populaires paient depuis trop longtemps les conséquences de l’incurie du pouvoir politique et des interventions impérialistes dans la région. La dernière intervention militaire américaine, en 2003, suivie de plusieurs années d’occupation, a détruit le pays, le laissant en proie à des milices de toute obédience et à des gouvernements fantoches et corrompus. Depuis 2011, des mouvements de révolte éclatent périodiquement. Ainsi, durant l’été 2018, tout le sud de l’Irak avait été le théâtre d’une importante agitation sociale. Pendant des semaines, la population de Bassora, la grande ville pétrolière du sud, avait manifesté – déjà – pour exiger des services de base, notamment la distribution de l’eau et de l’électricité, des emplois et la fin de la corruption du régime. Cette révolte s’était propagée dans toute la province et, au-delà, dans celles de Dhi Qar, Maysan, Nadjaf, situées plus au nord, jusqu’à la capitale, Bagdad.

C’est le renvoi du chef du contre-terrorisme, Abdelwahab al-Saadi, rendu populaire par son engagement dans la guerre contre l’organisation État islamique, qui aurait déclenché la colère. Les différents appels à manifester auraient ensuite circulé sur les réseaux sociaux, à l’image peut-être de ce qui se passe en Algérie.

Si les protestations semblent avoir démarré spontanément, il ne manquera pas de dirigeants politiques et religieux pour tenter de leur fixer des limites, tel le chef religieux chiite Moqtada Sadr. Celui-ci a appelé dans un premier temps à organiser des sit-in pacifiques, puis vendredi 4 octobre il a réclamé la démission du gouvernement... auquel participe la coalition qu’il a créée lors des dernières législatives. Il a acquis sa popularité en s’opposant, à la tête de la milice qu’il a créée, aux troupes d’occupation américaines et britanniques et, parfois, aussi aux nouvelles autorités irakiennes. Mais, lors des mouvements de 2018 déjà, tout en encourageant la protestation, il continuait de participer à une coalition avec al-Abadi, le prédécesseur du chef du gouvernement actuel.

La colère de la jeunesse, des travailleurs et des classes pauvres irakiennes va cependant bien au-delà de questions politiciennes ou de conflits religieux et ethniques. Après des années de guerre, dans un pays détruit, face à des conditions de vie insupportables, les revendications sociales, l’aspiration à pouvoir vivre dignement et à espérer dans l’avenir ressurgissent. En Irak, comme dans d’autres pays de la région, la situation de guerre permanente et la misère qui en découle sont de plus en plus invivables, et les masses populaires cherchent la voie pour en sortir. La seule véritable issue sera dans la mise en cause de la présence impérialiste et le renversement des classes dirigeantes locales, qui lui sont liées.

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