Justice et crimes de guerre : “la raison du plus fort est toujours la meilleure”01/05/20192019Journal/medias/journalnumero/images/2019/05/2648.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Justice et crimes de guerre : “la raison du plus fort est toujours la meilleure”

La Cour pénale internationale (CPI) vient de renoncer à enquêter sur les crimes de guerre en Afghanistan, et a fortiori à poursuivre et condamner leurs auteurs.

Elle aurait pourtant été là dans ses attributions. Créée par la conférence de Rome en 1998, entrée en vigueur en 2002 (à ce jour, 123 des 193 pays membres de l’ONU ont ratifié son statut), elle est censée juger les personnes – mais pas les États ni les institutions – coupables de génocide, de crimes de guerre ou contre l’humanité… Ces restrictions ne suffisant pas à certains, trente-deux autres pays, dont les États-Unis et la Russie, ont signé le statut de Rome mais, on n’est jamais trop prudent, ne l’ont jamais ratifié.

Fin 2017, la procureure du CPI avait annoncé qu’elle demandait l’autorisation d’ouvrir une enquête sur d’éventuels crimes contre l’humanité en Afghanistan ; après des décennies d’interventions militaires dans ce pays, ce n’était pas trop tôt. Elle s’était heurtée d’emblée, selon ses dires, au refus de collaborer des talibans, de l’État islamique, des gouvernements de Kaboul ainsi que de Washington. Ainsi, en Afghanistan, les États-Unis, qui dirigent toujours la coalition militaire qui a renversé le pouvoir taliban en 2001, ont empêché toute enquête. Ailleurs, la CIA a fait de même, pour protéger les prisons secrètes qu’elle avait ouvertes jusque dans l’Union européenne (Pologne, Roumanie, Lituanie) pour y torturer des prisonniers afghans.

La CPI ayant malgré tout recueilli des centaines de témoignages accablants, le conseiller à la sécurité nationale de Trump a déclaré en septembre dernier qu’il voulait utiliser « tous les moyens nécessaires pour protéger nos citoyens et ceux de nos alliés de poursuites injustes de la part de cette cour illégitime ». Et de menacer de mesures de rétorsion ses juges et sa procureure, « si la Cour s’en prend à nous, à Israël (dans la question palestinienne) ou à d’autres (de nos) alliés ». Mi-avril, Washington a annoncé avoir, entre autres, retiré son visa à la procureure, la privant du droit d’entrer aux États-Unis. Trois jours plus tard, la CPI jetait l’éponge.

Dans cette farce judiciaire, le cynisme du plus fort, certain de son impunité, le dispute au mépris pour les victimes, avec pour couronner le tout la décision de la CPI, qui ose dire qu’elle renonce à poursuivre dans « l’intérêt de la justice ». Ainsi va la justice internationale, régie par la loi des vainqueurs.

Précision : l’État France, qui reconnaît la CPI, n’a pas sourcillé de la voir s’autodessaisir. Il est bien trop content de n’avoir, lui, jamais eu à entendre parler même d’un simulacre de jugement pour ses crimes de guerre, notamment en Algérie et dans ses autres anciennes colonies.

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