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Incendie de Notre-Dame : de l’émotion à la récupération politique
L’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, lundi 15 avril au soir, a consterné bien au-delà de ceux qui fréquentent les églises. Notre-Dame est une œuvre d’art due au travail collectif de milliers d’artisans du Moyen Âge, allant des architectes aux tailleurs de pierre et aux manœuvres. Durant un siècle, ils ont été des centaines à travailler ensemble sur les mêmes chantiers. Puis l’histoire et Victor Hugo, les promenades et les souvenirs l’ont rendue présente à des millions de gens.
La nuit de l’incendie, plus de 400 pompiers et des secouristes ont tout fait pour sauver le bâtiment, les œuvres qu’il contenait, et se sont préoccupés des conséquences possibles de cet immense incendie sur les immeubles voisins.
Les dirigeants politiques, en revanche, ne se sont consacrés qu’à une seule chose : utiliser cette catastrophe pour leur prestige personnel ou, plus généralement, pour la récupérer politiquement.
Le soir même, on a pu voir sur les écrans de télévision Macron, accompagné de Hidalgo et du Premier ministre, venir servir leur soupe démagogique sous prétexte de remercier les pompiers : une pensée pour les catholiques, un mot sur l’unité nationale de tous les Français. Et Macron n’a pas raté l’occasion de retrouver son costume de sauveur jupitérien : « Nous la rebâtirons tous ensemble… C’est une part du destin français » a-t-il asséné, pour se montrer à la hauteur du drame.
Le ministre de l’Éducation nationale, Blanquer, s’est aussi rendu sur place pour affirmer : « Il faut montrer que nous sommes un grand pays, il faut montrer que nous savons nous relever. C’est un sujet éducatif, c’est l’histoire de France, un sujet patrimonial. » Et ils vont tous se relayer dans les jours à venir pour poursuivre les discours à la gloire du patrimoine national et de la nécessaire unité nationale pour faire face à ce qu’ils baptisent avec emphase une catastrophe nationale. Bref, la nation, qui n’existait pas du temps de la construction de la cathédrale, va être mise à toutes les sauces.
Derrière le lyrisme affiché par ces professionnels du cinéma politique, la réalité est moins glorieuse pour ce qui est de la reconstruction. Le soir même, Macron a annoncé l’ouverture d’une souscription nationale pour celle-ci.
Même si la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, venue aussi se faire voir, a promis 10 millions d’euros de la région, les travaux de rénovation vont reposer essentiellement sur la capacité des particuliers à mettre la main à la poche.
Et ce n’est pas nouveau. Les mêmes qui pleurent aujourd’hui sur la perte due à l’incendie, n’ont pas trouvé hier l’argent nécessaire aux travaux de rénovation de la cathédrale entamés avant l’incendie. L’État n’avait prévu de fournir que quatre des onze millions pour la rénovation de la couverture en plomb de la flèche centrale, alors qu’il y avait urgence, la dernière restauration sur la même partie datant de 80 ans.
Les sept millions manquants devaient déjà venir de dons. Et rien n’était encore prévu pour restaurer le reste du bâtiment, alors que celui-ci était reconnu en mauvais état par l’architecte des Bâtiments de France, Philippe Villeneuve.
Mais l’État rechignait à réunir les dizaines de millions d’euros indispensables. De même, le chantier n’a visiblement pas bénéficié des crédits suffisants pour installer les surveillances électroniques, caméras, détecteurs de fumées, etc. pourtant disponibles sur le marché.
C’est sûr, les discours désormais à la mode sur le caractère sacré de Notre-Dame, pour le patrimoine national, au moins ne coûtent rien et peuvent rapporter gros.