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Algérie : la pression populaire accentue la crise du régime
Ravaler la façade du régime avec des anciens du clan Bouteflika, organiser des élections présidentielles le 4 juillet, voilà la transition démocratique du chef d’état-major Gaïd Salah, que tente d’imposer Bédoui, le Premier ministre. Le bras de fer entre le régime et peuple algérien continue. Celui-ci a massivement rejeté ce qui est vécu comme une nouvelle manœuvre.
La contestation s’est amplifiée durant toute la dernière semaine. Mercredi 10 avril, à l’appel de l’intersyndicale de la fonction publique, les agents des différentes administrations, hospitaliers, enseignants, ont manifesté contre Bensalah, qui assure la présidence par intérim, et aussi pour dénoncer l’usage des canons à eau et à son, ainsi que les lacrymogènes utilisés la veille contre les étudiants.
Le jeudi 11 avril, répondant à l’appel à la grève des syndicats autonomes, des cortèges de travailleurs d’entreprises publiques ont sillonné les villes du pays. Ils étaient par exemple des centaines à Boumerdès et des milliers à Bejaïa. Pour éviter les infiltrations de policiers en civil ou de voyous manipulés, les travailleurs sont de plus en plus organisés dans des cortèges d’entreprise.
Vendredi 12 avril, des millions de personnes ont crié « Bensalah, Belaïz, Bédoui, dégagez tous ! Pouvoir au peuple ! » Gaïd Salah était aussi dénoncé : « Gaïd Salah, le peuple n’est pas dupe, on a dit : vous dégagerez tous ! » ou, s’adressant aux policiers : « Pacifique, pacifique, policier enlève ta casquette et rejoins-nous ! »
Durant sept semaines, des manifestations toujours plus nombreuses se sont déroulées pacifiquement sans aucune intervention policière. Vendredi 12, il en a été ainsi dans toutes les villes du pays, sauf à Alger où la police, usant de canons à eau et de lacrymogènes, a bloqué un point précis de la manifestation : le tunnel des facultés, baptisé par les manifestants le « tunnel du hirak ». Par ailleurs, les policiers ont procédé à des arrestations de manifestants ou de militants, qui ont tous été relâchés au bout de quelques heures. Cette attitude du pouvoir tranche avec celle des semaines précédentes. Bédoui veut à tout prix imposer sa transition démocratique et tente de reprendre le terrain perdu. En provoquant les manifestants, il veut tout à la fois décourager les nombreuses familles présentes et sans doute reprendre en main une police qui semble perméable au mouvement populaire.
Les manifestants ne veulent pas céder aux provocations policières, ils tiennent au caractère pacifique du mouvement. S’organiser, se coordonner, mettre en place des vigiles, ne pas céder aux provocations, c’est ce qu’ont décidé de faire les jeunes des quartiers populaires d’Alger ainsi que les étudiants lors de leurs assemblées générales des différents campus du pays. Mardi 16 avril, ces derniers étaient de nouveau dans la rue dans tout le pays et des milliers à Alger devant la Grande Poste. Les policiers présents en masse ont cédé le terrain.
Le nouveau gouvernement et l’élection présidentielle prévue le 4 juillet sont totalement contestés. Les magistrats et les maires refusent de s’impliquer dans son organisation. Chaque sortie de ministre en province donne lieu à des protestations de la part de la population. À Alger, le ministre des Travaux publics a dû rebrousser chemin. D’autres ont été chassés par la population à Bechar. Le ministre de l’Énergie était, lui, attendu à l’aéroport de Tebessa. Complètement rejetés, ils sont contraints de se cacher et ne peuvent plus sortir de leurs bureaux.
Dans ce contexte de crise politique, Belaïz, le président du Conseil constitutionnel, vient d’annoncer sa démission. La crise politique s’accentue. Les manifestants, méfiants après toutes ces manœuvres, refusent une transition qui vienne d’en haut. Dans ces conditions, les élections présidentielles auront-elle lieu ?
En tout cas, des appels à la grève sont relayés sur les réseaux sociaux et par les syndicats autonomes.
Une manifestation était prévue mercredi 17 avril, contre le secrétaire de l’UGTA, Sidi Saïd, qui vient d’annoncer lors d’un congrès qu’il ne se représentera pas à la tête du syndicat. C’est insuffisant, disent les travailleurs, « il va placer des hommes comme lui ». Ils veulent que le syndicat leur appartienne : « On en a marre de la politique de cooptation et de désignation des représentants des travailleurs par en haut. » Les manifestations du vendredi 19 avril s’annonçaient importantes et devant constituer une nouvelle étape pour ce mouvement qui conteste tout le système politique et ne veut pas se contenter de promesses et de faux-fuyants.