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Leur société
Procès Tapie : ainsi va le monde des affaires
Bernard Tapie est de nouveau face à des juges, dans une histoire à rebondissements : celle de la vente par le Crédit lyonnais de la société Adidas, un temps tombée dans l’escarcelle de cet affairiste.
Dans la saison 2019 d’un long feuilleton politico-judiciaire, Tapie se trouve mis en examen pour escroquerie en bande organisée et détournement de fonds publics. La justice lui reproche d’avoir récupéré plus de 400 millions d’euros en 2008 dans un arbitrage où les arbitres, soutenus par le gouvernement d’alors, celui de Sarkozy, avaient outrageusement favorisé Tapie.
Ce dernier sera-t-il ou pas condamné, et rendra-t-il l’argent ? En tout cas, il a eu les moyens de s’offrir les meilleurs conseillers pour multiplier, durant des années, les manœuvres, les appels, et pour organiser son insolvabilité. La justice expéditive, c’est bon pour les voleurs de bicyclette, pas pour les hommes d’affaires de haut vol, ni pour leurs soutiens politiques.
Quant au palmarès de Tapie, il pourrait encore s’enrichir. Car si les médias se sont étendus sur le parcours d’un Tapie chanteur, acteur, animateur de télévision, chef de nombreuses entreprises, patron d’une équipe du Tour de France, de l’OM, député, ministre, patron de presse avec La Provence et Corse-Matin, ils sont restés discrets sur les « décorations » qui parsèment sa success story. Pourtant, ses condamnations abondent, parfois à de la prison (affaire Testut), pour corruption, subornation de témoins, fraude fiscale (affaire du yacht Phocea), faux, usage de faux et recel de faux, abus de confiance et de biens sociaux (affaire de l’OM), et on en passe.
C’est un véritable Code pénal ambulant que cet individu qui trempe dans les affaires, dans tous les sens du terme, depuis un demi-siècle. À sa façon, il renvoie une image, partielle mais parlante, de ce qu’est la bourgeoisie française.
Ainsi, Tapie figurait dès le début des années 1990 parmi les vingt premières fortunes de France. Il y était parvenu en écumant le milieu des entreprises au bord de la faillite. Il les achetait pour 1 franc symbolique et les revendait au plus vite : 125 millions de francs (Terraillon), 260 millions (Look), 470 millions (Wonder), après les avoir restructurées, autrement dit en jetant à la rue leurs salariés. Adidas, La Vie claire et bien d’autres font partie de cette liste, sur laquelle les médias ne s’étendent pas non plus quand ils décrivent le personnage Tapie.
Comme les capitalistes de son espèce, celui-ci a amassé une fortune colossale en privant de leur gagne-pain des milliers de travailleurs, et les tenants du système capitaliste n’y voient rien de répréhensible. Pas plus que dans le fait qu’il a cherché des appuis politiques tous azimuts pour ses affaires : auprès du RPR de Toubon et Pasqua, puis de Mitterrand et Bérégovoy, sans oublier Le Pen père, et plus récemment, dans l’affaire qui l’envoie devant un tribunal, de Christine Lagarde, ministre de l’Économie de Sarkozy, devenue depuis patronne du Fonds monétaire international, à côté de grands commis de l’État, comme Stéphane Richard devenu depuis président d’Orange, d’un très haut magistrat, d’un avocat, etc.
Que du beau monde, en somme. Certes, il n’est guère ragoûtant, mais la bourgeoisie française a les héros qu’elle mérite.