La Poste CNP : aux mains des financiers05/09/20182018Journal/medias/journalnumero/images/2018/09/2614.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

La Poste CNP : aux mains des financiers

Le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a confirmé le 30 août vouloir servir d’entremetteur pour que La Poste se développe « massivement » dans le secteur de l’assurance par un rapprochement avec la CNP (Caisse nationale de prévoyance) Assurances dont elle distribue déjà les assurances-vie.

Au terme d’un chassé-croisé, La Poste absorberait la CNP, détenue pour partie par la Caisse des dépôts, tandis que celle-ci deviendrait l’actionnaire majoritaire de La Poste en rachetant une partie des actions détenues actuellement par l’État. Que la manœuvre réussisse ou qu’elle capote sous la pression d’intérêts concurrents, un tel embrouillamini fait partie des opérations financières courantes. Selon Bruno Lemaire, l’objectif est de constituer « un grand pôle financier public au service des territoires ». En réalité, c’est surtout le réseau territorial de La Poste qui est mis au service du capital financier.

Il y a un certain parallélisme entre l’évolution de la Banque postale et celle de la CNP. Au cours de la deuxième moitié du 19e siècle, l’État avait confié à la Caisse des dépôts, considérée comme son bras financier, la gestion de trois caisses de prévoyance : pour la vieillesse, en cas de décès et en cas d’accidents. Elles ont fusionné en 1959 pour devenir la Caisse nationale de prévoyance (CNP). Celle-ci a connu un développement avec l’assurance collective destinée au personnel des entreprises et des collectivités territoriales, en se servant notamment du réseau des bureaux de poste pour placer des assurances-vie. Au total, l’argent ainsi collecté est devenu alléchant, au point que la CNP a été transformée en société anonyme en 1992 sous le nom de CNP-Assurances avant d’être introduite en Bourse six ans plus tard.

Par ailleurs, les capitaux privés ne sont pas restés indifférents devant un réseau comme celui de La Poste, qui draine l’épargne populaire et par lequel transite une partie de la masse des salaires et des prestations sociales. Il devenait intolérable que cette masse d’argent leur échappe encore en grande partie, d’où la naissance de La Banque postale en 2006 et la transformation de La Poste en société anonyme en 2010.

Alors qu’en 2015, le courrier représentait encore près de 60 % du chiffre d’affaires de La Poste et les services financiers le quart, cette part devrait passer à plus de la moitié en y incluant l’activité d’assurances, avec un bond en avant des bénéfices puisque celui de CNP Assurances représente deux fois celui de la totalité du groupe La Poste. Dans le nouveau groupe qui se crée, les travailleurs de La Poste, qu’ils soient à La Banque postale, au tri ou à la distribution du courrier, seront encore plus soumis à des objectifs de rentabilité tels que pourra les fixer une direction axée sur la conquête du marché de l’assurance dans le monde entier.

Les postiers seraient ainsi transformés en distributeurs de produits financiers, jugés sur le résultat. Il n’y a pas de raison qu’ils se laissent faire.

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