Aquarius : l’odieux marchandage des gouvernements européens15/08/20182018Journal/medias/journalnumero/images/2018/08/2611.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Aquarius : l’odieux marchandage des gouvernements européens

Il a donc fallu cinq jours et un marchandage honteux pour qu’un port européen daigne accueillir le bateau humanitaire Aquarius, avec à son bord 141 migrants secourus au large des côtes libyennes. Malte l’a finalement autorisé, à condition que ses occupants ainsi que les 114 autres migrants récupérés par les gardes-côtes maltais soient répartis dans d’autres pays européens, la France, l’Allemagne, le Luxembourg, le Portugal et l’Espagne.

Alors que l’Aquarius transportait à son bord 73 mineurs, de nombreux blessés et malades nécessitant des soins à terre, les gouvernements ont reproduit l’attitude de juin dernier. L’Aquarius avait en effet déjà passé neuf jours en mer avant de pouvoir débarquer plus de 600 rescapés en Espagne, suite au refus des gouvernements italien, maltais et français.

Après Malte, l’Italie et l’Espagne, le gouvernement français avait refusé lundi 13 août l’accostage du navire, alors que la Corse et le directeur du port de Sète avaient donné leur accord.

Mais, dans l’odieux, la Grande-Bretagne s’est aussi distinguée. L’Aquarius est immatriculé à Gibraltar, territoire britannique. Non seulement il n’était pas question d’y accueillir le navire, mais Gibraltar a annoncé qu’il allait lui retirer son pavillon, sous prétexte qu’il est enregistré, depuis 2009, comme « navire de recherche, alors qu’il est utilisé à des fins de secours en mer ». Gibraltar, un des paradis fiscaux britanniques, fournit un pavillon de complaisance aux armateurs et trafiquants en tout genre désirant échapper au fisc et à la réglementation du travail. Mais il veut le retirer à celui qui, déshonorant sans doute les valeurs du capitalisme, sauve de la noyade des centaines de migrants.

De dix bateaux humanitaires qui venaient au secours des réfugiés en Méditerranée il y a encore quelques années, il n’en reste plus que deux en circulation, eux-mêmes soumis aux menaces et pressions de plus en plus fortes. Ainsi Malte bloque depuis plusieurs semaines trois autres bateaux d’ONG, sous prétexte de vérification administrative. Et il est d’ailleurs à craindre qu’il fasse de même pour l’Aquarius, avec la complicité des autres gouvernements.

La Méditerranée, qui reliait depuis l’Antiquité les hommes et les peuples d’Europe, d’Afrique et d’Orient, est aujourd’hui transformée en cimetière par le capitalisme pourrissant. Depuis 2014, l’Office international pour les migrations (OIM) recense 17 000 morts en Méditerranée, de loin la route la plus meurtrière du monde. Seul un corps sur trois est repêché, sans être forcément identifié, et des milliers de tombes anonymes poussent sur les rivages de la Méditerranée.

Les actuels naufragés de l’Aquarius viennent de Somalie et d’Erythrée, une région dont le sous-sol regorge d’or, de potasse, de zinc, ce qui a valu à leurs peuples colonialisme, dictature et guerres sans fin.

Non content d’infliger la barbarie quotidienne à ces peuples, les dirigeants des prétendues démocraties capitalistes repoussent vers la mer ceux qui, au péril de leur vie, ont franchi barrières et dangers.

Nul doute que ce qu’ils infligent à d’autres, ils sont prêts à l’infliger à leur propre peuple.

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