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Editorial
Carton rouge pour le capitalisme
Entre matchs du Mondial et Tour de France, il paraît que l’heure est à la détente. On a pu voir Macron en bras de chemise exulter après un but de l’équipe de France, histoire de jouer les messieurs tout-le-monde. Et c’est l’occasion pour les politiciens de tout bord d’entonner le refrain de l’unité nationale. Par la grâce du ballon rond, toutes les inégalités seraient censées disparaître derrière une grande fraternité tricolore.
Les grandes compétitions sportives sont à l’image de la société capitaliste et le chauvinisme le dispute aux affaires de gros sous. Comme le Tour de France, le Mondial est une machine à faire de l’argent. Derrière les prouesses des joueurs ballon au pied, des centaines de millions sont en jeu, qui finissent dans les poches des chaînes de télévision, des grands groupes de médias, des équipementiers sportifs et autres sponsors officiels, prêts à débourser des millions pour transformer les joueurs en panneaux publicitaires ambulants.
Tant que l’équipe de France gagne, le Mondial est une bonne affaire pour Macron, qui espère surfer sur l’enthousiasme collectif. Il a justifié le report du plan anti-pauvreté – en réalité un plan anti-pauvres – en expliquant que c’était pour mieux s’en occuper plus tard, lorsque les têtes ne seraient plus au foot ou aux vacances… des vacances dont un adulte sur deux et un enfant sur trois ne voient pas la couleur, le plus souvent faute de moyens. La progression de la pauvreté ne fait pas de pause l’été. L’explosion du prix du gaz s’ajoute à toute une politique du grand patronat qui conduit à l’effondrement du niveau de vie des plus modestes, au chômage qui n’en finit pas, aux bas salaires.
Macron a reporté le plan anti-pauvreté, mais pas son show à Versailles devant les parlementaires. Il s’y accorde une heure d’autoglorification et fait son discours sur les vertus de « l’émancipation individuelle ». Mais de quelle émancipation parle-t-il ? De celle des livreurs à domicile au statut d’autoentrepreneur ? Ils viennent d’entamer une grève contre l’arnaque d’une pseudo liberté les condamnant aux semaines à rallonge et aux payes minables. De celle des ouvriers de PSA Vesoul ? Ils viennent de voir leur temps de travail rallongé sans que la paie suive. De celle des travailleurs de Carrefour ou de la Grande récré, de Whirpool ou de Ford, dont les emplois sont perdus ou sur la sellette ?
Les spectacles sportifs ou politiciens font la une de l’actualité, mais ils ne peuvent pas masquer éternellement la réalité : celle des mille difficultés du quotidien des travailleurs, tandis que la richesse se concentre toujours plus à l’autre bout de la société. D’après un classement publié la semaine dernière, les 500 plus gros capitalistes du pays ont multiplié leur fortune par deux en dix ans ! 2018 est ainsi une année record pour eux, dont les fortunes culminent à 650 milliards d’euros, soit une fois et demi le budget de l’État. Combien de millions d’emplois utiles pourraient être créés avec cet argent, au moment où le gouvernement serre la ceinture aux collectivités locales, aux hôpitaux et à tout ce qui est indispensable à la population ?
Luxe et engins de mort se côtoient aux premières places du classement. Les magots des Arnault, Dassault, Hermès, Mulliez et autres Pinault battent tous les records. Voilà qui en dit long sur les perspectives que cette économie offre à l’humanité !
La bourgeoisie aux commandes mène la guerre aux travailleurs et elle en encaisse tous les bénéfices. Dans leur économie à bout de souffle, les marchés saturés n’offrent pas de débouchés suffisamment rentables aux capitalistes à la recherche des profits les plus élevés. Et au lieu d’investir leurs capitaux dans la production, ceux-ci préfèrent les placer dans la spéculation, les coups de poker financiers, les rachats d’entreprises, qui représentent autant de risques d’une nouvelle crise financière. Leur système n’est pas seulement révoltant, il est irresponsable et dangereux.
À l’échelle du monde, c’est une poignée de multimilliardaires qui contrôlent l’économie et qui prospèrent, sans faire progresser d’un pouce l’ensemble de la société. Ils nous mènent au contraire à la catastrophe. L’intérêt privé des capitalistes domine l’économie : cela se traduit par le recul des conditions de vie et de travail dans les pays riches et par le maintien dans le sous-développement d’une grande majorité de la planète.
Pour rendre les coups et imposer notre droit à une existence digne, il faudra une explosion sociale qui remette en cause la domination capitaliste sur l’économie. Car la seule émancipation, la seule liberté que les travailleurs peuvent espérer, c’est celle qu’ils réussiront à imposer collectivement, contre la classe riche et les politiciens à son service.
Éditorial des bulletins d’entreprise du 9 juillet 2018