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Dans le monde
Russie : Poutine s’attaque aux retraites
À la veille du scrutin présidentiel russe de mars dernier, Poutine, alors en campagne pour son quatrième mandat, avait relevé les pensions afin de s’assurer le vote des vieux travailleurs. Et il avait fait savoir qu’il préparait des mesures pour que l’inflation ne rogne plus les retraites. Les élections finies, on voit ce qu’il en est.
En guise d’amélioration du sort des anciens, c’est un coup de gourdin que le gouvernement russe assène aux travailleurs. Il vient d’annoncer que l’âge de la retraite, inchangé depuis 1932, allait passer de 55 à 63 ans pour les femmes et de 60 à 65 ans pour les hommes ! Ce qui, dit-il, se fera progressivement à partir de 2019… En prime, il vient de décider de passer le taux de la TVA de 18 à 20 %.
Les gouvernements occidentaux, d’habitude si prompts à dénoncer les turpitudes du Kremlin, restent muets. Comme s’ils appréciaient en silence le cynisme de leurs homologues russes qui profitent de « la trêve du sport », avec la Coupe du monde de football, pour faire leurs mauvais coups.
Medvedev, le Premier ministre, ose présenter ce bond en arrière comme donnant au pays des « moyens supplémentaires pour augmenter les pensions au-delà de l’inflation ». Il devrait préciser que seuls l’État et les privilégiés qu’il protège en bénéficieront. Pour les hommes, l’espérance de vie moyenne étant de 66,5 ans et le départ en retraite repoussé à 65 ans, la plupart n’en profiteront guère !
Poutine, à son habitude, s’est tenu à l’écart d’une décision qu’il sait impopulaire en s’abritant derrière Medvedev. Car, même si une bonne partie de la population reste chez soi à regarder les matchs à la télévision, en une semaine, la KTR (Confédération du travail de Russie) a recueilli plus d’un million six cent mille signatures sur une pétition « refusant totalement le projet de relever l’âge de la retraite ».
Rassemblant de petits syndicats dits alternatifs, la KTR compte bien moins de moyens humains et financiers que la centrale FNPR, de fait inféodée au pouvoir. Elle voudrait que se forme « une direction qui représente la société », avec « des syndicats, des citoyens, des associations et des partis politiques », pour décider « d’actions collectives » sur les retraites en prenant en compte tous « les moyens pacifiques de protester ».
Il n’y a là rien de très radical face au pouvoir qui, lui, est tout sauf un adepte des moyens pacifiques pour imposer sa volonté au reste de la population. Cependant, c’est au moins un moyen pour que les travailleurs élèvent la voix dans ce qui pourrait être la première opposition au grand jour entre les intérêts de la population laborieuse et ceux du régime.
La classe ouvrière a des intérêts spécifiques, irréconciliables, à défendre contre la bureaucratie, les affairistes d’État et leur pouvoir.
C’est une nécessité d’autant plus urgente que d’autres forces sociales et politiques sont à l’œuvre.
Ainsi, le plus célèbre opposant à Poutine, Navalny, a pris les devants en appelant à manifester le 1er juillet dans une vingtaine de villes, sauf là où des matchs ont lieu. Cet avocat nationaliste et partisan du marché veut s’appuyer sur la petite bourgeoisie qui reproche surtout au régime de l’empêcher de devenir grande. Sa spécialité – dénoncer la corruption, donc ce pouvoir notoirement corrompu – lui a valu un certain succès dans la jeunesse et aussi auprès de certains travailleurs. Et face à tous les partis officiellement dits d’opposition, mais qui n’ont rien à refuser à Poutine, il aimerait apparaître aussi sur le terrain des retraites comme seul défenseur des intérêts de la population.
Poutine et Navalny ne sont pas exactement les deux faces d’une même médaille, mais la politique de l’un comme celle de l’autre ne peuvent l’emporter qu’en écrasant le monde du travail. Face à elles, les travailleurs ne pourront compter que sur leurs luttes collectives, et il faudra pour cela qu’en leur sein des militants communistes et révolutionnaires sachent leur en faire retrouver la tradition.