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Dans les entreprises
Air France : la rentabilité débarque la sécurité
Un accord ayant été trouvé avec Air France sur les procédures qui permettent à un commandant de bord de refuser de voler, les syndicats de pilotes ont annulé le préavis de grève déposé pour le 11 janvier. L’avenir dira ce qu’il en est de cet accord. Mais une chose est sûre : la direction d’Air France tient à tout prix à éviter que le mécontentement de tel ou tel secteur fasse tache d’huile.
Ce mécontentement s’est récemment manifesté à plusieurs reprises. Ainsi, le 20 décembre, des salariés se sont invités à une réunion du comité d’entreprise de la DGI (Direction générale industrielle) où 8 000 ouvriers et techniciens assurent la maintenance des avions, et ont réclamé la revalorisation de leurs salaires. Les 24, 25, 31 décembre et 1er janvier, les mécanos de piste de Roissy (CMH) ont fait grève pour leurs salaires. Et même si c’est de façon moins visible, d’autres catégories de salariés ne cachent pas leur mécontentement des effectifs qui fondent, des salaires gelés, des conditions de travail qui ne cessent de se dégrader.
S’agissant des pilotes, ce qui ne passait pas est le fait qu’un commandant de bord a été débarqué, le 2 janvier à Orly. Ce terme technique signifie que la direction l’a remplacé contre son gré, alors qu’il refusait de décoller pour des raisons de sécurité. Ce pilote aux compétences reconnues est aussi instructeur, et il avait pris sa décision en tant que seul responsable du vol, comme la législation l’y autorise. Constatant qu’il aurait dû voler en composition d’équipage dégradée, car il ne disposait pas d’un chef de cabine en titre mais d’un remplaçant faisant office de, il avait estimé que toutes les conditions de sécurité n’étaient pas réunies en cas d’incident ou d’évacuation d’urgence, les stewards et hôtesses devant assurer la sécurité des passagers sous la direction d’un chef de cabine formé pour cela.
De tels débarquements sont rares, mais révélateurs des pressions que la direction exerce sur le personnel, même en matière de sécurité. Ainsi, les tolérances techniques de la check-liste avant envol (les travaux de maintenance non effectués) sont devenues plus nombreuses, et la direction pousse les commandants de bord à admettre ce qu’ils auraient pu refuser auparavant. Quant aux travaux reportés pour l’entretien des avions, leur nombre a augmenté fortement, faute de personnel pour les assurer.
Cette logique du toujours plus de travail à accomplir toujours plus vite avec moins de monde a poussé les compagnies à réduire le personnel de bord au fil des ans. Et il ne serait pas étonnant qu’Air France, qui paye ses hôtesses et stewards 40 % de moins quand ils travaillent dans sa nouvelle filiale à bas coût, Joon, veuille aussi y diminuer le personnel de cabine.
Avec presque aucun accident aérien grave recensé, 2017 a été l’année la plus sûre depuis 72 ans. Tant mieux, mais les directions des compagnies n’y sont pas pour grand-chose. Leur course à la rentabilité, à des profits toujours plus élevés, les amène à rogner sur tout, y compris lorsque cela peut mettre en jeu la sécurité.