Engels, Luther et la Guerre des paysans03/01/20182018Journal/medias/journalnumero/images/2018/01/2579.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Histoire

Engels, Luther et la Guerre des paysans

En 1843, Friedrich Engels publiait une série d’articles intitulée La marche de la réforme sociale sur le continent, dont on peut lire un extrait ci-dessous, avant d’écrire La guerre des Paysans en Allemagne (1850), qui faisait un parallèle avec les révolutions de 1848-1849 en Europe.

« Peu après que Luther a entrepris de proclamer la réforme de l’Église et de tourner le peuple contre l’autorité spirituelle, la paysannerie du sud et du centre de l’Allemagne se souleva dans une insurrection générale contre ses seigneurs temporels. Luther n’eut de cesse de rappeler qu’il visait un retour à la doctrine comme à la pratique du christianisme originel. La paysannerie adopta exactement la même position et donc exigea une pratique non seulement ecclésiastique, mais également sociale, du christianisme primitif. Ils jugeaient l’état de vilenage et de servitude qui était le leur incompatible avec le message de la Bible. Ils vivaient sous l’oppression d’un groupe de comtes et de barons arrogants, voleurs, qui les traitaient chaque jour comme leur bétail, sous la protection d’aucune loi, qui, si elle avait existé, n’aurait trouvé personne pour l’appliquer. […] Par conséquent, ils se soulevèrent et engagèrent une guerre contre leurs seigneurs, qui ne pouvait être autre chose qu’une guerre d’extermination. Thomas Münzer, le prêtre qu’ils placèrent à leur tête, rédigea une proclamation pétrie, bien sûr, des extravagances religieuses et superstitieuses de l’époque, mais contenant aussi, et entre autres, quelques principes tels que ceux-ci : selon la Bible, nul chrétien n’a le droit d’avoir quelque propriété que ce soit à ses seules fins personnelles ; seul l’ordre de la propriété commune peut convenir à une société de chrétiens ; il n’est permis à aucun bon chrétien d’exercer une autorité ou un contrôle sur d’autres chrétiens, ni de tenir une fonction gouvernementale ou de jouir d’un pouvoir héréditaire, mais au contraire, tous les hommes étant égaux devant Dieu, ils devraient être égaux sur terre également. Ces principes étaient directement tirés de la Bible et des écrits de Luther lui-même. Mais l’homme de la Réforme […] croyait au droit divin des princes et des seigneurs de piétiner le peuple aussi fermement, qu’il croyait à la Bible. Il cherchait en outre la protection de l’aristocratie et des princes protestants et il en vint donc à produire un pamphlet contre les rebelles, non seulement pour décliner tout lien avec eux mais aussi pour exhorter l’aristocratie à réprimer avec la plus grande sévérité ces rebelles contre les lois de Dieu. « Tuez-les comme des chiens ! » s’exclama-t-il.

[…] S’il commença sa carrière en homme du peuple, [Luther] finit au service de ses oppresseurs. L’insurrection, après une guerre civile particulièrement sanglante, fut réprimée et les paysans réduits à leur servitude antérieure. »

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